samedi 20 février 2016

Série du moment - #6 Making a murderer de Laura Ricciardi & Moira Demos

Je vous retrouve aujourd'hui - après un long moment - pour vous parler de quelque chose qui me tient vraiment à cœur, la série Making a murderer de Laura Ricciardi et Moira Demos

Je ne sais pas trop si vous en avez déjà entendu parler ou non, elle fait encore pas mal polémique aux États-Unis en ce moment - bien qu'elle ait été diffusée en décembre 2015, sur Netflix. 
C'est une série en dix épisodes, d'environ une heure à chaque fois, mais à savoir qu'elle n'est pas comme les séries habituelles, non, elle est une "série-documentaire", autrement dit, elle est construite à l'aide d'images sensées être "réelles". 

Ce que la série raconte : l'histoire de Steven Avery, un américain vivant dans le comté de Manitowoc dans le Wisconsin, qui a été emprisonné à tort durant 18 ans (de 1885 à 2003) pour avoir agressé et tenté de violer une femme. Sa peine initiale était de 32 ans, il a été relâché après avoir été innocenté grâce à son ADN. Oui mais l'histoire ne s'arrête pas là, deux ans plus tard (en 2005 donc), Steven Avery se retrouve arrêté une seconde fois pour meurtre. 

Le premier épisode de la série se concentre uniquement sur les faits de 1985, sur sa première arrestation. Il s'agit surtout de nous faire connaître tous les évènements survenus entre Steven Avery et le bureau du Shérif de Manitowoc. 
Dès le début, les principaux coupables sont montrés du doigt, - je pense par exemple au procureur Denis Vogel -, le montage des réalisatrices laissent peu de place au doute, elles nous disent qui sont pour elles les coupables, - c'est du moins mon avis. 
Après ce premier épisode où l'on se dit déjà que le pauvre bougre n'a pas de bol, la suite de la saison laisse peu de place à l'optimisme. 

On apprend rapidement tous les conflits d'intérêts qu'il y avait entre Steven Avery et le bureau du Shérif, car oui, après avoir été libéré, tadam, on apprend que les forces de l'ordre (la police, le bureau  du shérif et le procureur) savaient en quelque sorte qui était le vrai coupable, qu'ils ont juste préféré emprisonner un innocent et laisser un violeur courir les rues. Oui, à partir de là déjà, ça coince. 
Steven Avery va devenir un exemple de justice bafouée dans le comté si bien qu'une loi à son nom va être adopté et qu'il va intenter en justice le bureau du Shérif pour ses dix-huit années perdues. 
Mais entre-temps toutes les assurances du comté se retirent, les officiers devront payer de leur poche Steven Avery, autant dire que ça ne sent pas bon pour eux, mais alors pas du tout. 

On nous répète plusieurs fois tout au long des épisodes, notamment de la part des avocats de Steven qu'il y avait un véritable conflit d'intérêts dans le procès intenté par Steven, la police et le bureau du shérif étaient véritablement dans une situation plutôt délicate. 
Comment alors des séries d'interrogatoires du corps de la police et du bureau du shérif qui exerçait en 1985, lors de la première inculpation de Steven.
Et puis, avant même de pouvoir aller au bout de ces interrogatoires du procès à venir, Steven Avery est arrêté pour la deuxième fois le 9 novembre 2005.




Il aura fallu plusieurs fouilles dans la propriété Avery (qui possède une casse) avant de trouver quoi que ce soit. Celle qui sera retrouvée morte - Theresa Halbach - était venue prendre des photos d'un véhicule chez les Avery avant de disparaître. C'est d'abord deux jours plus tard (si mes souvenirs sont bons) qu'est découverte la voiture de la défunte, à peine cachée dans l'énorme casse de la famille. Ensuite, c'est la découverte d'une mystérieuse clé après plusieurs jours de perquisition, quelque chose comme la septième perquisition il me semble. Cette clé, forcément, c'est celle de la voiture de Theresa, retrouvée par terre, dans la chambre de Steven, là où au moins cinq cent policiers ont dû passer et chercher le moindre indice, mais non, ils sont tous tombés à côté, jusqu'à ce que ce soit un officier de Manitowoc qui la trouve. 
Un officier qui techniquement ne devait pas se retrouver là puisque l'affaire a été transférée au comté voisin, le comté de Calumet justement à cause du procès entre Steven Avery et le comté de Manitowoc, c'est un peu tiré par les cheveux mine de rien, et encore, ce n'est que le début. 

Alors voilà, Steven se retrouve en prison avec des charges qui paraissent mais plus qu'invraisemblables, et ça devient encore plus loufoque quand son neveu Brendan Dassey entre en jeu. Oui, il fallait mettre ça sur le dos de Steven, mais pourquoi ne pas toucher la famille entière si possible, me direz-vous ? 
Non parce qu'après tout Steven Avery est "le mal incarné" (d'après Kachinsky, le 1er avocat de Brendan Dassey) ou encore parce que "C'est une famille de délinquant, qui est tout simplement diabolique [...] cette famille est le mal incarné, comme le dit l'un de mes amis, cette famille n'a qu'une seule branche, coupe l'arbre à la racine, il est temps d'éradiquer ce patrimoine génétique." (d'après Michael O'Kelly, l'enquêteur qui devait trouver des preuves en faveur de Brendan). 

Que l'accusation balance des horreurs sur les suspects, ce n'est pas nouveau, mais que ce soit la défense elle-même qui discrédite complètement son client et qui n'hésite pas à dire ce genre de choses, je ne sais pas, je ne comprends pas comment il est possible d'être comme ça, comment il est possible d'exercer un métier comme celui d'avocat si le but est de faire enfermer son client, de le pousser à plaider coupable, sans même essayer de savoir si il l'est ou non. 

Les meilleurs épisodes sont pour moi ceux des procès, l'épisode 5, 6, 7 et 8 portent sur celui de Steven Avery et une partie de l'épisode 8 ainsi que le 9 sont sur celui de Brendan. 
C'est à partir de cet épisode que tout s'enclenche finalement, que commence la mise en lumière de tous les éléments. Même avant de voir le procès, on sait que ce n'est pas possible. Enfin, je veux dire, emprisonner un garçon de 16 ans qui après avoir avoué son implication dans un meurtre pense qu'il va rentrer chez lui et invente des histoires complètement impossibles quant à ce dit meurtre, il faut ouvrir les yeux quoi. Fin, je veux dire il suffit de voir les images d'interrogatoire pour saisir que Brendan ne comprend rien, qu'il dit des choses au hasard en espérant que ce soit ce que la police attend. Par exemple, les inspecteurs attendent qu'il dise que Steven (ou lui-même) a tiré dans la tête de Theresa, mais le truc, c'est qu'il n'en sait absolument rien et que la première réponse qu'il donne quand on lui demande ce qu'ils ont fait à la tête c'est "on lui a coupé les cheveux", non mais quand même !
Et puis comment on peut emprisonner quelqu'un qui aurait attaché, violé, égorgé une femme dans un lit où il n'y a ni trace de sang, ni ADN, il faut se rendre à l'évidence à un moment et comme dit le père de Steven, si tu tues un cerf, il y a du sang partout, alors pourquoi pas là ?

Ce sont ce genre de question qui se retrouvent sans réponse et on se demande alors comment il est possible d'emprisonner quelqu'un sans réelle preuve tangible. À la rigueur d'accord, disons que le sang dans la voiture de Halbach ait bien été dû à une coupure de Steven ce qui confirme donc sa présence sur les lieux, ça n'explique en rien pourquoi la clé n'a été retrouvée que quelques jours après la première perquisition, pourquoi il a fallu retourner cinquante fois au même endroit avant d'y trouver quoi que ce soit, pourquoi les seules empruntes sur la clé de voiture de Theresa soient celles de Steven et non pas aussi les siennes. Mais plus gros encore, pourquoi il n'y a pas de sang quoi, rien, que dalle et encore même les os de Theresa qui ont été retrouvés derrière la maison de Steven ont été déplacés donc on ne sait même pas si elle a été tuée sur les lieux.
La vérité, c'est qu'ils n'ont rien, absolument rien, la présomption d'innocence est sans cesse bafouée et personne ne trouve à redire, c'est affligeant. 

Et ce sont sur des notes peu réjouissantes que la saison se termine, Brendan lisant une lettre clamant son innocence depuis la prison - ce passage est vraiment l'un des plus durs de la série je trouve, le genre de passage qui te prend à la gorge et te sert l'estomac - et Steven, sans ressource travaillant tout seul pour tenter de sortir, un jour ou l'autre, après avoir passé plus de la moitié de sa vie en prison. 



  • J'ai lu beaucoup d'articles à ce sujet, notamment sur le fait que les réalisatrices n'ont absolument pas été impartiales, que leur point de vue est clairement pour Steven et que certaines preuves l'accablants n'ont pas été montré. Pour ma part, je pense comme je l'ai dit au début qu'elles ne sont pas impartiales, non, comme je pense que tu ne peux plus l'être quand tu passe dix ans de ta vie à suivre, filmer, interviewer, mettre dans l'ordre l'histoire d'un homme, parce que oui c'est ça avant tout Making a murderer, c'est l'histoire d'un homme comme vous et moi qui, du jour au lendemain s'est retrouvé derrière les barreaux sans avoir jamais rien demandé si ce n'est de vivre de façon recluse avec sa famille, comme des marginales sur une route à leur nom. C'est la vie d'un homme qui est d'abord gâché et c'est ensuite celle d'un adolescent qui se retrouve là où il n'aurait jamais dû être : en prison. 
  • Il faut aussi savoir que les membres du comté - ou du moins ceux qui sont accusés dans la série  - ont refusé de répondre aux questions des réalisatrices, c'est une des raisons pour laquelle ils sont bien moins présents à l'image que les parents de Steven par exemple. Je pense aussi qu'il est trop facile de dire que les membres du bureau du Shérif, les agents spéciaux ou encore le procureur Kratz (qui est certainement une des plus grosses raclures sur cette terre) n'ont pas pu se défendre. Je trouve personnellement que le peu de temps où on les voit suffit, ils semblent tous si coupables, comme le Lieutenant Colborn qui définitivement a un truc à se reprocher - il suffit de voir la façon dont il se tient sur sa chaise quand il est interrogé. 

Les réalisatrices ont malgré tout essayées d'être le plus objectif possible en nous montrant des images de la famille Halbach par exemple, mais il ne faut pas oublier que c'est une série-documentaire et non un reportage, que ce sont des réalisatrices et non des journalistes qui ont fait ce travail, c'est d'ailleurs pour cette raison que le montage est de cette façon, avec parfois des codes empruntés à la fiction (je veux dire avec des cliffhangers en fin d'épisode pour nous donner envie de voir la suite).


Cette série est choquante, certains moments sont comme dérangeants et d'autres absolument révulsants, oui, je crois que c'est surtout ce que j'ai ressenti durant ces dix épisodes. J'ai été complètement ébahie face au travail des réalisatrices, ces longues années passées pour prouver l'innocence d'un homme d'abord, puis de son neveu ensuite, plus de sept cents heures de vidéo, des centaines d'interviews, un véritable travail de fond. J'ai vu la saison trois fois en un mois environ, j'ai littéralement adoré, je n'avais jamais rien vu comme ça et ouais, j'ai été fasciné. 

J'ai beau faire des études de cinéma, j'ai toujours su que je ne serais pas de ceux qui font des films, mais franchement, si un jour l'envie me prend de réaliser quelque chose, j'aimerais que ce soit quelque chose comme ça, j'aimerais que ce soit un travail aussi intense et qui me tienne autant à cœur que ça doit l'être pour l'équipe qui a suivi l'histoire de Steven Avery durant dix années. C'est un travail titanesque qu'elles ont fait, un travail sur le temps qui donne un rendu plutôt simple au niveau de la réalisation (beaucoup de plans fixes sur le mobile-home de Steven, sur la casse) et c'est aussi ce qui, je pense fait la force du récit, car oui, l'histoire se suffit à elle-même, et même si le filmage reste plutôt basique, il colle parfaitement avec le propos qu'elles veulent faire passer.






Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...