mercredi 29 juin 2016

Le Coin des libraires - #23 La princesse des glaces de Camilla Läckberg

Premier roman de l'auteure suédoise Camilla Läckberg, La princesse des glaces constitue les prémices de l'existence de son personnage d'Erica Falck que l'on peut retrouver dans huit autres romans (pour l'instant). C'est également le premier roman de sa série que j'ai lu - et même de l'auteure  ! - et je suis contente d'avoir commencé par le début sans le savoir. 

"Le temps n’avait jamais eu d’importance quand il était avec elle. Les années, les jours ou les semaines finissaient par former une bouillasse informe où la seule chose qui comptait était ceci. Sa main à elle contre sa main à lui. Voilà pourquoi la trahison était si douloureuse. Elle avait rendu son importance au temps."
Camilla Läckberg, La princesse des glaces.


Erica Falck, trente-cinq ans, auteure de biographies installée dans une petite ville paisible de la côte ouest suédoise, découvre le cadavre aux poignets tailladés d’une amie d’enfance, Alexandra Wijkner, nue dans une baignoire d’eau gelée. Impliquée malgré elle dans l’enquête (à moins qu’une certaine tendance naturelle à fouiller la vie des autres ne soit ici à l’oeuvre), Erica se convainc très vite qu’il ne s’agit pas d’un suicide. Sur ce point – et sur beaucoup d’autres –, l’inspecteur Patrik Hedström, amoureux transi, la rejoint. 

A la conquête de la vérité, stimulée par un amour naissant, Erica, enquêtrice au foyer façon Desperate Housewives, plonge dans les strates d’une petite société provinciale qu’elle croyait bien connaître et découvre ses secrets, d’autant plus sombres que sera bientôt trouvé le corps d’un peintre clochard – autre mise en scène de suicide.


Je précise que je n'ai pas ce résumé sur ma quatrième et que je n'ai pas lu le résumé avant de me plonger dedans - en fait, je ne lis jamais les quatrièmes avant de commencer un livre, j'ai trop peur qu'on m'en dise trop ! Je ne savais donc pas grand chose si ce n'est que c'est un roman policier ! C'est la première fois que je lis un polar où le personnage principal est non seulement une femme, mais en plus qui ne fait pas partie de la police ou qui est détective privé, ce que j'ai trouvé très cool, je dois bien l'avouer. 
Bien sûr, c'est un peu triché avec le personnage de Patrick qui est non seulement policier et peut être considéré comme le deuxième personnage le plus important. 

Dès le début j'ai aimé ma lecture, on commence par suivre un homme qui ne sera d'aucune véritable utilité par la suite si ce n'est qu'il nous immerge dans l'ambiance de la petite ville de Fjällbacka dont l'auteure est originaire. L'atmosphère caractéristique des polars nordiques se pose et ça peut commencer. Cet homme, Eilert Berg - il me semble - va découvrir sa voisine, morte et glacée dans sa baignoire. On imagine la suite, la police arrive, etc, etc. 
Le fait que le meurtre arrive dès les premières pages est osé quand il ne s'agit pas d'un "tueur en série" je trouve, mais ça fonctionne très bien ici et je l'ai trouvé vraiment bien décrit, au point qu'on peut tout à fait imaginer le corps bleuté, sans vie d'Alexandra. 

Le fait que les points de vue soient différents, qu'on suive vraiment pas mal de personnages et surtout que certains personnages soient plus que secondaires est une véritable force - je pense notamment à Eilert que l'on rencontre en premier et qu'on revoit seulement à l'avant-dernier chapitre. En revanche, fatalement dans ces cas-là, il y a toujours des personnages que l'on affectionne plus que d'autres. Par exemple et contre toute attente, j'ai préféré Patrick à Erica, qui est plus attachant. Le personnage d'Erica est intéressant vis-à-vis de sa sœur, de son métier (mise en abîme de l'écrivain, tout ça), mais il est un peu trop niais pour moi je dois avouer - sans doute à cause du côté Bridget Jones fortement revendiqué. Les moments où elle parle de Patrick sont trop lourds, trop longs, on s'ennuie littéralement parce qu'elle tourne en rond, elle répète les mêmes choses encore et encore. Sentiment que je n'ai pas ressenti quand il était question d'Erica et de sa sœur, au contraire, j'ai apprécié ces passages qui permettaient de mettre de côté "l'intrigue principale" au profit d'informations sur le protagoniste et ainsi mieux le cerner. 
Pour ce qui est des autres personnages, ils m'ont tous semblé intéressants eux aussi, que ce soit l'inspecteur Mellberg, ou encore Nelly Lorentz. La mention spéciale va néanmoins au peintre, Anders qui reste mon chouchou. 
Ça, c'était les points positifs.





Alors oui, j'ai eu un gros problème avec le style de l'auteur - ou la traduction ? - mais il n'empêche qu'il y a trop de répétitions, que les passages descriptifs sont bien trop lourds au point que parfois, après on vingtaine de pages je décrochais simplement parce que ça me fatiguait. Et puis il y a eu des fois où j'ai trouvé abusé de retrouver les mêmes tournures de phrases ou actions, sans déconner, je crois que quasiment tous les personnages ont vu les jointures de leur main blanchirent en serrant leur poing quoi ! 

C'est aussi des descriptions physiques trop répétitives, comme Erica qui se trouve trop grosse, cinq pages plus loin : Patrick se trouve trop gros. C'est trop redondant ces réflexions incessantes sur le physique, comme s'il n'y avait que ça qui comptait. 

Ensuite, j'ai eu un problème avec la longueur du roman, d'après moi l'auteure s'est tirée une balle dans le pied en le faisant aussi long. Une centaine de pages en moins et ça aurait vraiment donné une très bonne œuvre, là, le rythme est trop irrégulier, on a une alternance de moments vraiment prenants et de moments où clairement, on s'ennuie et ça lui porte préjudice du coup - c'est la faute à toutes les répétitions et petits détails sans grands intérêts

Également, je me demande si l'auteure n'a pas un problème avec la jeunesse. Jeunesse qui serait trop naïve, qui fait mal les choses, comme c'est mieux quand on est plus vieux, quand on comprend. J'ai parfois eu le sentiment que l'auteure voulait nous faire comprendre qu'elle était elle-même trop naïve lors de la vingtaine et qu'elle a appris de ses erreurs. J'ai parfois trouvé qu'elle s'attaquait à la jeunesse sans raison apparente, simplement pour mettre en conflit les "jeunes" des "vieux" ce qui ne m'a pas particulièrement plu. 

Et enfin, est-ce que quelqu'un peut m'expliquer le choix de ce coupable ?? Non mais là, je suis restée sans voix ! sérieusement ? Déjà, je trouve que le mobile est quand même un peu faible, je veux bien comprendre le "tout pour sauver les apparences" mais c'est un peu trop là, faut pas pousser. Surtout, ce que j'ai préféré dans ce livre, c'est les petits passages écrits en italique à chaque début de chapitre, textes qui, on se l'imagine, sont écrits par l'assassin. Eh bah non ! Et c'est bête parce que clairement ces passages qui font partie des meilleurs perdent complètement leur force à la fin du récit. J'étais si persuadée que c'était écrit par le coupable que je les ai relu quand j'ai appris qui était le véritable assassin et oui, je garde une petite déception par rapport à ça. 

Néanmoins, ma lecture n'a pas été de la torture non plus et j'ai vraiment aimé certains passages, j'ai aimé le meurtre et l'ambiance, mais aussi l'histoire en elle-même. Je n'ai pas vu venir certains éléments - par rapport à Dan par exemple - et j'ai particulièrement aimé la dynamique créée grâce aux enquêtes parallèles avec d'un côté Patrick l'homme de loi et de l'autre, Erica l'écrivain curieux, ça fonctionne plutôt bien. 
Malgré quelques défauts donc, je pense que je lirai un jour la suite des aventures d'Erica et de Patrick, simplement pour me faire un avis plus global cette fois. 


"C’était étrange comment des sentiments totalement opposés pouvaient se mélanger pour devenir un sentiment tout nouveau. L’amour et la haine devenaient de l’indifférence. La soif de vengeance et le pardon devenaient de la détermination. La tendresse et l’amertume devenaient du chagrin, si grand qu’il pouvait briser un homme."

Camilla Läckberg, La princesse des glaces.


Pour vous procurer le livre, c'est ici (je trouve les couvertures des Actes noirs vraiment trop cool !



L'avez-vous déjà lu ? Connaissez-vous d'autres romans de Camilla Läckberg








vendredi 24 juin 2016

Série du moment - #8 American Crime Story

Même avec beaucoup de retard dans mes séries en cours, j'ai réussi à trouver le temps pour commencer d'autres séries, sorties début 2016. Aujourd'hui, j'ai décidé de me concentrer sur une seule série - de base, je voulais parler de deux, mais ça faisait trop long ! 

  • American Crime Story de Scott Alexander & Larry Karaszewski 

Très attendu pour ma part, j'avais vraiment envie de voir ce qu'allait donner cette anthologie dont la première saison portait sur le célèbre joueur O.J. - Orenthal James - Simpson, inculpé en 1995 pour avoir tué son ex-femme Nicole et le nouvel ami de celle-ci, Ron Goldman. 
Je ne connaissais pas le résultat du procès ou d'autres informations sur Simpson, tout ce que je savais, c'est qu'il était un footballeur américain et un acteur réputé aux Etats-Unis. Tout ce qui est en rapport avec son procès, le meurtre de son ex-femme, je ne le savais pas - oui c'est vrai, honte à moi !

Au préalable, je me suis promis que je n'irais pas voir ce qu'il en était, si il avait été déclaré coupable ou non, je ne voulais pas me gâcher le plaisir. D'ailleurs, étant donné les nombreuses preuves, je pensais qu'il serait difficile de le relâcher. Bon, c'est vrai, il aurait pu être la victime d'un coup monté comme ses avocats ont voulu le faire croire, oui, peut-être bien, mais je n'y crois pas trop. 
Non parce qu'il est vrai que d'un côté, c'est étrange qu'il y ait autant de preuve donc soit quelqu'un lui en voulait vraiment beaucoup, soit il est vraiment très bête, j'hésite encore je dois dire. 

J'ai adoré cette saison pour deux raisons surtout. Tout d'abord, son casting absolument génial, les acteurs sont juste trop bons quoi, en particulier Sarah Paulson (vue dans American Horror Story) qui, à elle toute seule, représente toutes les femmes et nous livre un jeu saisissant, juste par rapport à la condition de la femme en général - avec son divorce, le fait de lier les enfants et le travail... - mais aussi par rapport à son métier à responsabilité. 
Également Courtney B. Vance excellent dans le rôle de Johnny Cochran, personnage à la fois très sombre et très attachant. Je pense par exemple au moment où on apprend qu'il frappait son ex-femme où je ne m'y attendais pas du tout après l'avoir vu si "épanoui" et doux avec sa femme, et aussi parce que bêtement, il semblait être le citoyen modèle : défenseur des droits des noirs, religieux assidu, tout ça, tout ça. 
C'est aussi un John Travolta - bon, un peu trop botoxé à mon goût - qui incarne magnifiquement bien Robert Shapiro, avocat qui prône les apparences. J'ai aimé son personnage parce qu'il était justement en marge des autres, à penser d'abord à son image plutôt qu'à son client : s'il faut le faire plaider coupable pour que son blason reste sans tâche, alors il le fait sans hésiter. 
Et puis, ce moment où il dit aux autres avocats que la première question à laquelle ils doivent répondre est "est-il coupable ?" puis qu'un silence gêné s'ensuit est juste géniale quoi ! ça a été pour moi une des meilleures scènes de la saison parce que, si révélatrice. 

D'autres m'ont paru bien pâlichons quand j'y pense, comme Kardashian (oui oui, le père de Kim) interprété par David Schwimmer et qui m'a plus énervé qu'autre chose dans le rôle de la victime, genre "quoi mon pote a fait ça ??", mais jamais il ne fait quelque chose pour réparer les remords qui le ronge, non jamais. 
Pour ce qui est du rôle d'OJ, interprété par Cuba Gooding Jr., j'ai été plutôt mitigé. Les premières images - le moment où il retrouve son chauffeur pour partir à l'aéroport - m'ont décontenancé quand j'y repense. J'ai trouvé qu'en fait, ces premières images étaient mensongères, on pense avoir affaire à un homme bien, sans défaut, et on se rend rapidement compte que ce n'est pas du tout ça et qu'au contraire, au lieu d'être un homme intelligent comme on peut le penser de prime abord, on se retrouve avec un bon benêt qui ne se demande même pas comment son ex-femme a pu mourir ! 
Du coup, j'ai apprécié que son personnage soit un peu relégué au second plan pour cette raison mais d'un autre, j'ai trouvé ça bête parce qu'il est quand même le principal intéressé. 




Plus que dix épisodes sur le procès d'un homme, c'est une opposition, un questionnement sur plusieurs sujets fondamentaux. C'est par exemple les droits des femmes avec justement Marcia, ce procureur qui a TOUT pour le faire coffrer, absolument tout mais qui reste une éternelle perdante, quoi qu'elle fasse - qu'elle ait les cheveux frisés ou lisses d'ailleurs. Cette femme qui représente également le bureau du procureur infesté d'hommes, celle qui doit se battre pour sa famille et sa vie privée. 
Mais c'est aussi et surtout, les droits des noirs qui sont au centre avec tout le côté raciste du procès - comme l'utilisation du "mot commençant par N", "nigger". 
C'est aussi une façon de dénoncer, d'interroger la société sur ce qu'elle est, les principes qu'elle défend, et ce pour quoi elle se bat. Un homme a-t-il le droit d'en arrêter un autre sous prétexte que celui-ci est noir et que le premier est un membre des forces de l'ordre ? Voilà une vraie question, voilà un moment plus que dégueulasse mis en lumière par cette série dans une scène qui prend aux tripes quand on voit les deux filles de Johnny Cochran enfermées dans leur voiture avec devant elles, leur père menotté et couché sur le capot. Le regard des gens en face, qui consomment tranquillement leur café en terrasse et qui sont divertis par de l'injustice, de la discrimination, du racisme et qui ne font rien à part regarder comme s'ils étaient face à leur télévision... 
J'ai aimé que le point de vue ne soit pas manichéen, qu'il y ait un vrai équilibre entre l'accusation et  la défense et qu'il nous soit montré les failles existantes dans les deux camps. 

Tout ça m'a beaucoup plu, en revanche, là où j'ai été plutôt déçu, c'est de voir que finalement avec cette série, on n'est pas plus avancé. Alors oui, j'y ai vu une dénonciation du procès qui, trop médiatisé n'a pas tenté de résoudre un crime, - en l'occurence celui de Michele et Ron Goldman - qui s'est évertué à s'occuper de tout à fait autre chose : l'oppression subit par la communauté noir. Sujet important et très sensible, j'en conviens, mais qui d'après moi n'avait absolument rien à faire dans cette histoire quand l'on sait qu'OJ Simpson n'en a jamais rien eu à carrer. 
Tant qu'à faire, j'aurais voulu qu'on nous donne un avis pour une fois, que le dernier épisode nous fasse sentir si oui ou non, on le pense coupable, si oui ou non, il est tout à fait possible qui l'ait fait. 
Là, même si j'en garde un très bon souvenir, je me dis que lire tous les articles publiés dans la presse, regarder toutes les vidéos du procès serait revenu à la même chose d'un point de vue informatif parce que clairement, on apprend rien de plus et c'est dommage. 
J'aurais aussi aimé que l'on parle du livre qu'O.J. Simpson a écrit en 2007, appelé If I did it et qui m'a tout l'air d'être des aveux voilés ! 

Il n'empêche que j'aie pris énormément de plaisir à regarder cette série, que j'attends impatiemment la saison 2 qui portera sur Katrina, en particulier sur la réaction des Américains face au désastre et qui compte déjà Sarah Paulson et John Travolta dans son casting, si j'ai bien compris.


Si vous voulez en apprendre plus sur le procès d'O.J. Simpson, un très bon article est dispo ici 

Si vous voulez voir le verdict en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=sF9tJUmZGNI


  • Après avoir été sujet à de nombreux ouvrages notamment par Marcia Clark avec Without a Doubt, - que j'aimerais beaucoup lire - la série a été adapté à partir de la non-fiction de Jeffrey Toobin appelée The Run of His Live : The People V. O.J. Simpson, malheureusement introuvable en français, je crois. 



Avez-vous vu American Crime Story et qu'en avez-vous pensé ? 






vendredi 17 juin 2016

Le Coin des libraires - #22 Barcelona de Daniel Sanchez Pardos

J'ai récemment eu la chance d'être sélectionnée pour recevoir un livre et donner mon avis sur celui-ci, et il s'agit de Barcelona de Daniel Sanchez Pardos
Je n'avais jamais entendu parler de l'auteur, d'ailleurs Barcelona est son premier roman à avoir été traduit en français - bien qu'il me semble que c'est son sixième livre - et j'espère que ce ne sera pas le dernier ! 

Barcelona, c'est l'histoire de Gabriel Camarasa, fils d'une bonne famille barcelonaise. Le voilà de retour, lui et sa famille - ses parents et sa petite sœur - dans cette ville qu'ils ont quitté six ans plus tôt, en 1868, lors du coup d'état qui a mis fin à la monarchie des Bourbons. Six ans passés à Londres où Gabriel, nouvel étudiant en architecture, y a rencontré cette femme si mystique qu'est Fiona Begg et qui a elle aussi quitté son Angleterre natale avec son père. 

Dès les premières pages un accident a lieu, un incendie au journal La Gazette du soir, ennemi des Nouvelles illustrés, journal appartenant au père de Gabriel. C'est lors de cet évènement que notre protagoniste va faire la connaissance du personnage bien réel de l'histoire espagnole, le célèbre architecte Antonì Gaudì. 

J'ai été très surprise de voir que le personnage de Gaudì est "secondaire", je m'étais attendue à ce que l'histoire soit vraiment plus centrée sur lui. J'ai fait fausse route, Gabriel reste du début à la fin le personnage qui permet le lien les uns des autres. Et ça n'a pas été pour me déplaire, j'ai trouvé ça vraiment très bien de voir le personnage de l'architecte d'un point de vue extérieur, par le biais des yeux d'un bon ami. Le mystère qui ressort de lui n'en est que plus intense, nous sommes là, avec Gaby à tenter de comprendre qui est Gaudì, ce qu'il fait, s'il est fou ou bien s'il est un génie. 

"Vous êtes un solitaire, alors. Vous considérez qu’être libre c’est vivre sans que personne vous connaisse ou s’inquiète pour vous.
Cela me semble être une bonne définition de la liberté, oui. Vivre sans que personne vous connaisse ou s’occupe de vos affaires…"
Daniel Sanchez Pardos, Barcelona.

On assiste donc à un emmêlement de faits fictifs et de faits réels, la famille Camarasa au centre du roman n'existe pas, les évènements référés dans le livre sont eux, bien vrais. L'année 1874 a bien vu le retour au pouvoir des Bourbons en la personne d'Alphonse XII. Ou encore, dans le roman, Gaudì n'a que son grand frère, Francesc, il est sa seule famille - à l'opposé de Gabriel qui lui est toujours entouré par sa famille -. Dans la réalité, la mère d'Antonì Gaudì est décédée en 1876 tout comme son frère qui voulait en réalité devenir médecin et non avocat. L'auteur s'est donc permis quelques libertés par rapport à l'Histoire ce qui n'est pas dérangeant étant donné qu'il n'est pas dans une optique de relater des faits réels. 

Ce que j'ai le plus aimé dans ce livre, c'est les personnages, bien construits, avec une véritable matière. Les personnages qui, pour moi sont les principaux - Gabriel, Antonì, Fiona & Margarita - sont un véritable bonheur. Tout d'abord parce qu'ils sont très différents, ils ont chacun un petit quelque chose qui fait d'eux des êtres à part entière, ils défendent chacun une sorte de stéréotype : Gabriel celui du fils de riche qui se la coule plutôt douce. Fiona, celui de la femme qui doit se battre pour exister face aux hommes et pour ses convictions, Margarita est (comme dit plusieurs fois dans le roman) à l'image de Marguerite Gauthier dans La dame aux camélias - un des meilleurs livres sur terre - avec toujours des répliques bien trouvé. Pour Gaudì c'est un peu différent, son personnage oscille entre plusieurs, il est en quelque sorte le personnage insaisissable, celui qui gardera toujours une fumée grisâtre autour de lui pour ne pas avoir à nous révéler ses secrets. 

En y réfléchissant bien, je l'ai trouvé mieux écrit et abouti que le personnage de Gabriel, mais c'est sans doute parce qu'il n'est pas le protagoniste, et la seule chose qui m'ait vraiment embêté avec Gaby, c'est le fait qu'il soit un peu un suiveur, qu'il ne réfléchisse pas vraiment par lui-même, mais toujours dans l'optique de ce que sa famille voudrait. 
Par rapport à sa relation avec Fiona aussi, j'ai trouvé que c'était un peu trop obscur. Les informations données sont trop peu nombreuses et imprécises, du coup je ne peux qu'imaginer ce qu'il s'est passé entre eux sans vraiment pouvoir le déterminer, c'est un peu frustrant. 
J'ai trouvé que l'auteur arrivait bien mieux à concevoir des personnages "jeunes", un peu à l'image d'Ezequiel qui est absolument génial lui aussi, contrairement aux parents de Gabriel ou alors à Martin Begg qui est sans doute un des personnages les plus pâles qu'il m'ait été permis de voir. 

Le fait que justement je trouve la famille Camarasa antipathique au possible ne m'a pas permis d'avoir envie de les défendre - et encore moins quand on apprend avec certitude qu'ils complotent pour faire revenir la monarchie en Espagne et qu'absolument toutes les activités de la famille ont été faites dans cette optique-là. En revanche, il était intéressant d'être pour une fois du côté des monarchistes, même si on ne va pas se mentir la politique a quand même une place bien maigre dans le roman quand on y réfléchit bien. La situation est très souvent abordée : il y a eu un coup d'état six ans auparavant, les Bourbons ont fui en France, la République s'est installée mais elle agonise, le retour du monarque est certain, voilà. Il n'y a pas de grandes histoires de conspiration, enfin si, mais pour une fois on n'y participe pas, on la voit de l'extérieur. 


L'autre gros point fort est qu'on a l'impression d'y être, vraiment, l'auteur parvient tellement bien à retranscrire l'ambiance générale, les lieux, qu'on a la sensation d'être aux côtés des personnages, dans la Rambla ou encore à côté de la Basilique Santa Maria del Mar - que je veux absolument découvrir de mes propres yeux maintenant !
Le fait qu'il y ait une carte dans le livre avec les lieux abordés renforce justement la proximité entre le lecteur et les personnages.
Pour ce qui est du style de l'auteur, je l'ai trouvé agréable, fluide et surtout, le découpage est génial. Quand tu as un bouquin de minimum 500 pages à lire et que l'histoire est découpée en trois chapitres ça devient rapidement chiant, on va pas se mentir. Là, avec un chapitre toutes les dix/vingt pages, on peut s'arrêter quand on le veut sans avoir à se dire qu'il nous reste encore une cinquantaine de pages avant la fin du chapitre. 

J'ai également bien aimé le contraste très fort dans le livre avec d'un côté la cellule familiale dans laquelle Gabriel est enfermée, forcé de prendre part sans être vraiment consulté et de l'autre côté son amitié avec Gaudì qui ajoute de la légèreté à l'histoire, qui permet de s'approcher du génie de l'architecte et surtout d'assister à des échanges verbaux absolument géniales. Daniel Sanchez Pardos est vraiment bon pour les dialogues, c'est indéniable, que ce soit de la bouche de Gabriel, Fiona, Gaudì ou encore (et surtout) Margarita, c'est remarquable. 

Et cette fin, haaan, je ne m'y attendais pas, mais pas du tout et du coup j'aimerais vraiment qu'il y ait une suite ! Objectivement parlant, je pense qu'il n'y en aura pas, ou du moins je n'ai pas trouvé l'information - ce n'est pas faute d'avoir cherché ! 

N'étant pas du tout habitué aux thrillers historiques, - je crois bien que c'est le premier que je lis - et à la littérature espagnole - le seul auteur que j'ai lu est Carlos Ruiz Zafòn et je ne pense pas que ce soit comparable - je me suis jetée dans ce livre un peu au hasard, mais avec une grande envie de découverte, d'en apprendre plus sur l'histoire de l'Espagne tout d'abord parce qu'elle m'est absolument inconnue et aussi sur le personnage qu'a pu être Antonì Gaudì, même si finalement ce n'est peut-être pas vraiment lui. 

"Le soleil déclinait dans un ciel couvert de brouillard et de suie, une fois encore. Un ciel industriel, pensai-je. Un ciel sale et pressé. Un ciel résolument moderne."
Daniel Sanchez PardosBarcelona.



Un grand merci à Masse Critique de Babelio et aux éditions des Presses de la Cité pour cette belle découverte. 



Pour l'acheter : Presses de la Cité





vendredi 10 juin 2016

L'Avenue du Cinéma - #21 Elle de Paul Verhoeven

Le 26 mai dernier, j'ai eu la chance d'assister à une projection du dernier film de Paul Verhoeven qui s'est suivie d'une rencontre - vous pouvez la retrouver en intégralité sur le site du Café des Images, le lien à la fin de l'article -. Réalisateur de Robocop (1987), Total Recall (1990) ou encore de Basic Instinct (1992), le cinéaste néerlandais n'est décidément plus à présenter. 

Film faisant partie de la sélection officielle du festival de Cannes 2016, retour du réalisateur après une absence de dix ans derrière la caméra, il y avait de quoi avoir envie ! Surtout quand l'on sait que Elle, n'est ni plus ni moins l'adaptation du roman Oh... (2012) de Philippe Djian que j'ai lu en décembre dernier. 

L'histoire est donc largement reprise du livre, c'est celle de Michelle (interprétée par Isabelle Huppert). une bourgeoise à l'aube de la cinquantaine qui un jour, se fait violer chez elle. Excepté quelques modifications comme le fait que Michelle est à la tête d'une société de jeu vidéo, - dans le livre, il s'agit de scénaristes - globalement, on retrouve l'emprunte Djian. 

Le film commence bien, très bien même, c'est l'image d'un chat gris qui assiste à ce que le spectateur entend, mais ne voit pas, un viol, celui de Michelle.
Comment va-t-elle vivre avec le fait d'avoir été violé ? comment va-t-elle aborder la chose ? Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'aime pas se la jouer victime. Michelle n'est pas une victime, elle est plus une survivante, mais une survivante qui paraît fausse comme dans la scène du restaurant où elle confesse à ses amis le viol qu'elle a subi. 
De manière désinvolte, elle le balance comme ça genre "ah oui, je ne vous ai pas dit, c'est vrai !", il ne manquait plus qu'elle demande le sel et c'était le pompon ! Je crois qu'à force de vouloir toujours paraître détachée et inatteignable, Isabelle Huppert est tombée dans l'indifférence au point que ça ne semble tout simplement pas vrai.

Et puis, Michelle continue à vivre tranquillement et ça en est parfois même un peu gênant - je pense notamment à la scène où après avoir subi le viol, elle va tranquillement prendre un bon bain moussant - et l'on se demande une fois encore comment c'est possible, comment est-ce qu'on peut préférer un bain à une douche dont le but est de se laver, de ne plus se sentir souillé ? 


Autour d'elle, on trouve tout un monde, d'abord sa mère - qui semble avoir la mentalité d'une enfant de douze ans et s'entiche d'un homme d'une trentaine d'années, son père qui est en prison pour avoir tué des dizaines d'enfants (d'ailleurs, l'histoire n'est pas la même, dans le film, il est dit qu'il a tué tous les enfants de son quartier, et dans le livre, il me semble qu'il est question d'un massacre à Disneyland). Aussi, l'ex-mari de Michelle ainsi que sa nouvelle copine, mais également son fils Vincent - qui définitivement n'est pas bien futé ou encore sa meilleure amie qui n'a pas l'air de compter plus que ça quand on sait que Michelle se fait son mari depuis plusieurs mois simplement "comme ça". 

Bien évidemment, le personnage du violeur est un personnage récurant qui ne va pas se ramener juste une fois et repartir, non, on va le côtoyer comme Michelle. D'abord sans savoir que c'est lui, en ayant simplement des doutes, puis en le perçant au grand jour. 
Je connaissais déjà l'histoire du livre, je savais déjà à l'avance qui était le violeur, ce qui n'a en rien gâché mon plaisir. En revanche, ce qui l'a gâché, c'est l'interprétation de Laurent Lafitte qui m'a tout sauf convaincu, je l'ai trouvé mauvais et douteux. C'est clair que ça ne doit pas être simple d'incarner ce type de personnage, de dérangé (non parce qu'il faut quand même y aller pour être le genre de mec qui entre chez toi par effraction pour éjaculer sur ton lit, après je dis rien...). 
Le truc, c'est que je n'y ai pas cru une seule seconde quoi, que ce soit dans le rôle du violeur ou dans celui du voisin attentionné, ça coince. Le seul moment où je l'ai trouvé à peu près acceptable a été la scène où Michelle lui parle de son passé autour d'un verre de cognac - scène qui est sans doute l'une des meilleures du film - au-delà de ça, j'ai été déçu. 

De son côté, Isabelle Huppert joue parfaitement bien le rôle de la bourgeoise antipathique, à croire que le rôle était réellement fait pour elle. Je n'aime pas plus que ça cette actrice - ouh, je risque de me faire des ennemis - et j'avais peur que ça nuise à mon appréciation du film alors qu'en fait ça a été le contraire, elle a merveilleusement bien joué son rôle d'héroïne que l'on n'apprécie pas plus que ça et qui a une moralité douteuse, donc rien à redire à ce niveau-là. Après comme je le disais plus haut, à trop vouloir forcer dans le "je-m'en-foutisme", ça en devient trop, comme la scène où elle demande sans pression à son employé de baisser son pantalon et que lui le fait, normal. Mais globalement, son interprétation est bonne et certaines scènes sont vraiment très bien jouées, je pense notamment aux scènes du viol qui est montré sous plusieurs aspects, ou encore le moment où pendant le diner, elle explose de rire quand sa mère annonce ses fiançailles avec un homme de trente (quarante ?) ans de moins qu'elle. 

  • Du roman à l'écran  


Je pense que je n'ai pas pleinement aimé le film parce que je n'avais pas complètement adhéré au livre de Philippe Djian. Ma lecture n'a pas été ennuyeuse, mais elle n'a pas été mémorable non plus. J'ai aimé lire le livre pour le fait qu'il n'y ait pas de moral (comme dans le film d'ailleurs), qu'il n'est pas question de porter un jugement sur les femmes violées ou encore que toutes les femmes fantasment le viol - ouais non, définitivement celui qui pense ça est un bel abruti. J'ai aimé le côté osé, le fait qu'un homme ose parler à la place d'une femme sur un sujet aussi grave et important, oui cet aspect-là m'a beaucoup plu. Mais déjà l'histoire me paraissait bancale, ce délire de fantasmer sur son violeur/voisin qui a un grain, ça ne m'avait pas transporté plus que ça, pas plus que le fait de coucher avec le mari de sa meilleure amie je dois dire. 

Je ne me suis pas attaché au personnage de Michelle simplement parce qu'on ne se ressemble pas, parce que je n'aimais pas sa personnalité, mais j'aimais sa vie, son mariage raté, son fils prêt à tout pour rester avec une femme enceinte d'un enfant qui n'est même pas de lui - d'ailleurs le moment de l'accouchement dans le film est vraiment très marrant, en y pensant, j'en ris encore -. Aussi et surtout l'histoire avec son père, qui me semble être le plus intéressant. 
J'ai ressenti une forme de faiblesse dans le personnage littéraire que je n'ai pas retrouvé à l'écran et j'ai trouvé ça dommage. Dans sa solitude, Michelle reste un personnage humain, fragile qui ressent véritablement des sentiments tandis que dans les films elle est plus comme son personnage de jeu vidéo, une sorte de robot insensible, un être inexistant. 


Autre point qui m'a dérangé, le fait qu'il y est un problème de légitimité vis-à-vis de l'existence des femmes. Toutes les relations sont, de près ou de loin, liées à des hommes : sa mère qui n'arrête pas de remettre sur le tapis le père, sa belle-fille par rapport à son fils, la nouvelle compagne de son ex-mari. C'est la même chose pour la meilleure amie, son mari aussi est mêlé à l'histoire. Mais ce problème trouve sa résolution à la fin du film, au moment où Michelle et Anna décident d'emménager ensemble, on peut sans doute y voir un espoir d'existence féminine sans la dépendance vis-à-vis des hommes - c'est du moins de cette façon que je l'ai vu. 


Après avoir écrit tout ça, j'ai l'impression de ne trouver que des points négatifs à ce film, ce qui n'est pas le cas, j'ai passé un très bon moment malgré quelques défauts apparents. Je savais que le livre m'avait laissé sur ma faim alors je m'étais préparé au fait que ça pourrait être de même pour le film. Mais, quand on met de côté l'histoire en elle-même qui est la reprise du livre, le film en lui-même est vraiment intéressant et il défend des points qui me semblent être pertinents aussi. 


"Comment peut-il rouvrir des plaies à peine fermées ? Qu’il soit maudit, vraiment. Quelle foudre les frappe tous ces gens persuadés de la valeur de leur travail alors qu’on les croyait sains d’esprit, capables de sentir ce qui n’était pas bon avant même d’aller jusqu’au bout de la première phrase ? Quelle boue épaisse leur ferme les yeux ? Quel aveuglement paralyse leur cerveau ? Quel dysfonctionnement se produit dans leur cervelle ?"
Philippe Djian, Oh...


Pour lire l'interview réalisée lors de la rencontre : Retour à l'humanité - Café des Images


Pour se procurer le livre :


mercredi 1 juin 2016

Le Coin des libraires - #21 Mes lectures du mois de mai

Mai a été un mois plutôt compliqué pour diverses raisons - dont le fait que j'ai passé mes derniers partiels de licence de cinéma. Je n'ai pas lu tout ce que je voulais lire, - comme si le contraire pouvait un jour arriver - mais j'ai quand même réussi à trouver du temps pour rencontrer ou retrouver la plume d'auteurs.
Plutôt que de faire différents articles sur ces lectures, j'ai préféré les rassembler dans un seul et même article, chose que je ferais peut-être encore à l'avenir.



Le festin nu, La Mare au Diable, Médée


  • Le festin nu de William Burroughs (1959)

Résumé, quatrième de l'Imaginaire Gallimard

L'Interzone.

Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...