dimanche 18 juin 2017

Le Coin des libraires - #56 Rouge-gorge (#3 Harry Hole) de Jo Nesbø

Rouge-gorge est en quelque sorte le tome III de la saga Harry Hole, mais il est surtout le premier à se passer en Norvège, pays de Jo Nesbø et donc de son personnage. 
Les deux premiers volets faisaient une taille relativement normale pour un roman policier, celui-là était quand même plus gros et je pense que c'est aussi pour nous préparer à lire les pavés qui arriveront pas la suite - Le Léopard ou Police ont l'air d'être hyper longs ! 

Mais voilà, Jo Nesbø décide de nous pondre un livre de plus de 600 pages pour nous laisser le temps de nous familiariser avec l'environnement du protagoniste et aussi pour permettre de jouer sur plusieurs tableaux, tisser diverses intrigues qui ne sont pas forcément toutes résolues à la fin. 
Contrairement à des polars (ou des livres en général) où on a parfois le sentiment que l'auteur a voulu meubler, qu'il a cherché à rendre son oeuvre plus grosse - j'avais trouvé que c'était un peu plus le cas dans L'homme chauve-souris par exemple - ce n'est absolument pas le cas ici, ce sont 600 pages qui sont très bien utilisées et qui passent toutes seules !




L’inspecteur Harry Hole est muté à la surveillance des milieux néonazis. Une seule consigne : faire le mort. Mais Hole le voudrait qu’il n’y parviendrait pas. Surtout quand il découvre qu’un fusil utilisé par le terrorisme international est importé sur le sol norvégien. Surtout si sa meilleure amie se retrouve mêlée à l’affaire. 
Son enquête l’amène à se plonger dans le passé d’un groupe de néonazis norvégiens ayant pris part à la Seconde Guerre mondiale. Que s’est-il réellement produit il y a plus de cinquante ans dans les tranchées de Leningrad? À mesure qu’il explore leur histoire, sa conviction grandit : l’un d’entre eux prépare un attentat…



On sent bien qu'après avoir écrit deux opus avec son héros Harry Hole, il est grand temps que l'auteur commence à "jouer" dans son domaine, dans un environnement qui lui est plus familier. C'est justement parce qu'il a lui-même apprivoisé son protagoniste qu'il nous révèle une fois encore les ficelles d'un travail rudement bien mené.

J'aime beaucoup les polars nordiques parce qu'en plus de faire des mentions répétitives au sujet du café, j'ai quasiment à chaque fois le sentiment que la psychologie des personnages y est vraiment bien développée et c'est pour moi un point essentiel : si je veux pouvoir m'identifier, ressentir de l'empathie ou au contraire de l'antipathie, il ne faut pas que le personnage soit une coquille et franchement, j'ai l'impression que les auteurs nordiques ont bien compris cette idée, Jo Nesbø inclut.

Avant d'en venir aux personnages, il serait bien de parler de l'intrigue, alors allons-y !
Autant le dire maintenant, j'ai eu un peu de mal avec l'entrée en matière que j'ai trouvée parfois longue - je pense aux chapitres correspondant aux années 1940. Ça n'a vraiment pas été très simple, je me suis perdue dans les noms des soldats ce qui est une chose que je déteste. Pourtant, en lisant la suite, je n'ai pu m'arrêter de m'interroger : est-ce que ce n'était pas la volonté de l'auteur que de nous perdre parmi ces soldats norvégiens qui ont combattu du côté des nazis durant la Seconde Guerre mondiale ?

Un gros point fort de ce livre : traiter un sujet qu'on aborde très peu (en tout cas en France) à savoir : la place de la Norvège dans la Seconde Guerre mondiale. Vous le savez maintenant, j'adore étudier cette période, j'en suis en quelque sorte fascinée (dans un sens qui est purement de la curiosité et non pas une espèce de sentiment malsain à l'égard de cette époque abominable), et je n'avais pourtant jamais entendu parler de la collaboration de certains soldas norvégiens avec l'Allemagne.
Pourquoi est-ce encore quelque chose qu'on ne nous dit pas ? On nous bassine avec la Première Guerre mondiale, la Seconde aussi, mais bizarrement on ne fait que survoler des sujets qui sont majeurs dans notre histoire et voilà qu'on préfère nous parler de choses absolument inutiles en comparaison comme l'ordre des rois de France, question éducation scolaire, ce pays a beaucoup de choses à revoir, mais bref.


Rouge-gorge de Jo Nesbø, édition Folio policier.

Même si j'ai eu du mal au début, même si je n'ai pas réussi à entrer dedans comme ça a été le cas pour les deux précédents, j'ai vraiment adoré, justement parce que Nesbø innove, il traite de sujets qui sont importants et dont on ne parle pas assez, du moins dans cet opus.
Puis j'ai eu du mal aussi parce qu'on se doute du coupable dès le début, enfin on est incapable de le désigner de but en blanc, mais les indices à son sujet nous aide.
Malgré ces deux raisons, ces deux éléments qui constituent les seuls points noirs je n'ai rien d'autre de réellement concret à reprocher à ce volet. J'ai été emporté, j'ai été happé par cette histoire au point que les 600 pages que je redoutais un peu au début sont passées comme une lettre à la poste.


Un autre point fort dans ce livre est, comme je le disais, les personnages et leur psychologie. Je pense sans rire que Hole est un des personnages les plus maltraités dans l'histoire des romans policiers, en tout cas personnellement je n'ai jamais vu un héros qui morfle autant que lui, c'est dingue. Je m'y suis habituée maintenant et je me le répéterais avant ma lecture du tome IV : il y a toujours un mort dans l'entourage de Hole, c'est inévitable.
Cette fois, franchement je ne m'y attendais pas du tout, je suis restée bête devant mon bouquin avec pour seule réflexion : WTF ?

Je me demande, Nesbø a-t-il un souci avec les femmes ? Vu comment il les maltraite, c'est une vraie question : d'abord sa soeur, puis ensuite sa coéquipière en Thaïlande, mais c'est bien pire là, c'est une catastrophe, c'est la tristesse... Bon après, l'idée de ne pas résoudre l'enquête, de laisser un blanc est géniale, cela permet de faire passerelle entre le tome III et le tome IV, chose que je vois rarement dans les polars - généralement lorsqu'un même héros revient de manière continue, il y a bien évidemment des faits sur sa vie qui sont donnés au fur et à mesure et qui permettent de mieux cerner le personnage, mais un opus se suffit à lui-même, il n'y a pas besoin de suite à proprement parler puisque l'enquête en elle-même est résolue. Ici, et bien non Nesbø décide de poursuivre cette enquête dans le volet suivant et de tenir ses lecteurs en haleine - je peux vous le dire, je trépigne d'impatience de lire le tome IV, mais là, je n'ai simplement pas le temps du tout.

En résumé, j'ai vraiment beaucoup aimé ce volet, mais pour des raisons différentes des précédents - excepté pour le personnage d'Harry que j'adore ! J'avais apprécié voyager, découvrir des ambiances, des informations sur les pays que sont l'Australie et la Thaïlande, chose qu'on ne retrouve pas ici. Je n'ai jamais été à Oslo non plus, mais ce n'est pas le premier polar norvégien que je lis, alors forcément, je suis mieux informée.

Définitivement, ça a été pour l'intrigue en elle-même (je parle de l'intrigue principale & de la secondaire avec Ellen, la coéquipière de Harry), autant que pour les personnages qui m'ont beaucoup plu. Une fois encore ça a été un plaisir de suivre Harry dans ses péripéties, dans ses folies, dans sa peine et sa réussite. Un volet réussi, plus que sept (six même) à dévorer avant de clore cette saga.






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