mercredi 11 octobre 2017

Le Coin des libraires - #71 Surface de réparation d'Olivier El Khoury

Je complète ma collection de Notabilia avec cette fois-ci Surface de réparation d'Olivier El Khoury que j'ai pu recevoir grâce à la dernière Masse Critique de Babelio - une fois encore, merci à eux ! 

Il est vrai que de prime abord, si ce roman n'avait pas été un Notabilia, je ne me serais probablement pas tourné vers lui. N'étant pas une grosse fan de foot, et bah j'avais un peu peur de ne pas du tout accrocher, d'entendre parler de termes techniques un peu partout et surtout, de ne pas sortir du domaine footballistique - haan, est-ce que ce mot existe réellement ?? 
En bref, j'avais peur que ce ne soit pas du tout ma came et que ce livre devienne le premier de cette collection qui ne me plaît pas - même si je suis loin de tous les avoir & encore plus de les avoir tous lus ! 
Mais c'est bon, je suis sauvée, j'ai bien accroché ! 


Bleu et noir : les couleurs du club de foot de Bruges, dont la folle passion a été transmise dès sa naissance au narrateur par son père, comme une malédiction donnant à voir en toute chose une partie perdue d’avance. Naviguant entre espoirs et déceptions, entre les inquiétudes face à l’avenir d’un jeune homme aussi séduisant et brillant que paumé et maladroit – par ailleurs arabe par temps d’alerte au terrorisme –, et la chaleur des amitiés éternelles, les cuites au soleil, les voyages qui tournent au fiasco, les études qui n’ont de scientifiques que le nom, les jobs successifs et les amours catastrophiques, Olivier El Khoury construit ici une sorte de roman d’apprentissage en dix-sept tableaux où les situations, souvent très drôles, vont au fil du temps, comme des victoires et des défaites, offrir de nouvelles clefs de lecture à son héros ainsi qu’une vision restaurée de l’existence.

Premier roman d’Olivier El Khoury, Surface de réparation est une quête d’équilibre dans un monde qui valse, portée par une voix d’une fraîcheur exaltante où s’entendent, déjà, l’humour et l’humanisme des plus grands écrivains.



Surface de réparation est un roman d'apprentissage qui débute à la naissance du narrateur, personnage qui restera sans nom - s'il en avait eu un, aurait-il été celui de l'auteur ? et se termine forcément après que ce dit personnage ait évolué, qu'il ait franchi suffisamment d'étapes pour passer au niveau supérieur en quelque sorte. 

L'auteur nous parle de sujets plus ou moins importants, mais toujours avec cette idée du football en filigrane si bien qu'on ne quitte jamais réellement cet univers, mais on n'y reste pas cantonné non plus et c'est vraiment ce que j'ai aimé dans ce livre. 
Le centre du récit, c'est bien évidemment l'amour que porte le protagoniste (et son père) pour l'équipe de Bruges, cet amour sans borne qui rend fou par moment et qui peut être toxique, du moins qui peut rendre "grave triste" à cause d'une défaite - même si visiblement ils ne font que les enchainer, les défaites. 

Les chapitres sont organisés de sorte qu'on a pas de réel suivi, le narration est éclatée au point qu'on se demande combien de temps a passé entre le chapitre précédent et le chapitre actuel - je pense par exemple à celui où le protagoniste commence à travailler dans un journal dont il se fait virer à cause d'un papier trop passionné sur son équipe favorite. Combien de temps a passé entre ce job et celui dans la boutique de sport, juste avant les attentats en Belgique ? 

Du niveau de la temporalité, on a pas d'éléments excepté ceux liés aux attentats survenus en France et en Belgique et encore, on peut situer ces événements grâce à la mémoire personnelle, leurs dates n'étant pas notées dans le roman. J'ai trouvé ce choix de narration intéressant, ça donne un côté assez inhabituel aux romans d'apprentissage j'ai l'impression - on ne parlera pas de classiques tels que L'Education sentimentale de Flaubert évidemment... - et on termine le livre en se demandant combien de temps est passé entre la naissance du personnage principal et son émancipation à la fin - émancipation qui n'est que partielle pour moi puisque le protagoniste reste toujours chez ses parents après le tragique événement qui se situe dans les derniers chapitres. Il n'y a finalement pas d'émancipation absolue même si on peut facilement en conclure qu'elle risque d'avoir lieu assez prochainement au vu des derniers éléments du récit. 


Surface de réparation d'Olivier El Khoury, collection Notabilia.


J'ai assez accroché avec le style d'Olivier El Khoury que je n'ai pas trouvé forcément novateur dans le genre écriture contemporaine/crue/langage parlé, mais en l'occurence ça fonctionne assez bien avec ce qu'il veut nous raconter alors j'adhère ! 
C'est le fond qui m'a plu surtout, comme je le disais c'est en grande partie la façon dont l'auteur a réussi à étroitement lier le foot à la vie du personnage, l'impact que ça a sur sa vie et la façon dont il le perçoit (ainsi que les autres qui ne sont pas toujours hyper conciliant ou compréhensif). 
Chaque chapitre nous révèle alors un moment dans la vie du protagoniste même si on sent bien que ce personnage est quand même pas mal axé sur le sexe. On a droit à la remise des diplômes, à des vacances à New-York, aux années où il a fait du foot dans un club avant de se blesser, etc. 

Mais dans le fond, j'ai vraiment aimé cette façon de parler des attentats sans en faire des tonnes. Depuis que ceux-ci sont survenus, il y a tout un tas de livres autour de ces événements et je dois dire que je n'en ai lu aucun. Bizarrement j'adore l"Histoire" mais c'est trop récent pour que j'ai envie de lire un livre dessus, qui soit romancé ou non d'ailleurs. 
Je ne dis pas que c'est une mauvaise idée d'écrire sur ce sujet qui est d'actualité aujourd'hui encore, je dis simplement que ça ne me donne pas particulièrement envie, mais je salue ceux qui ont écrit pour parler de leurs proches, pour leur rendre hommage, je trouve ça humble et délicat. 

Le fait qu'on en entende parler ici m'a énormément plu parce qu'on n'entend pas parler de victimes, mais plus du regard que vont porter les individus sur notre protagoniste aux racines arabes de par son père. Ça m'a intéressé de voir que beaucoup commencent à se méfier de lui ou même que son père l'accuse carrément d'être à l'origine de l'attentat en Belgique - c'est que la ressemblance entre le suspect et le protagoniste devait être frappante ! 
Je trouve que dénoncer la vision des autres et tout aussi important que de rendre hommage aux victimes, parce que finalement les innocents qui se trouvent être comparés à ces êtres abjects ne devraient pas se trouver dans une position aussi délicate et on ne devrait pas faire ce genre de choses, il n'est pas question de couleur/pays/culture ou autre, il est simplement question d'êtres humains et aborder ce sujet qui est assez épineux me semble être une bonne chose. 

Avec ce livre, on vit avec le personnage des étapes fondamentales de sa vie : sa rencontre avec les femmes, son premier emploi, sa remise de diplôme, son besoin des femmes, son premier CDI, ses premiers pas d'écrivain en herbe qui deviendra écrivain publié et enfin sans doute l'étape fondamentale, la rencontre avec la mort. Tous ces événements font parties de la vie en tant que telle et  pas une fois je me suis ennuyée, grâce à une écriture qui fonctionne, à une narration morcelée et à un personnage qui m'a semblé antipathique mais avec qui on compatit malgré tout. 


Pour un premier roman, je trouve que c'est un pari plutôt réussi pour Olivier El Khoury. Je partais avec un peu d'apriori et finalement l'auteur a su les dissiper. Je suis contente d'avoir aimé lire un livre sur un sujet dont je suis novice et qui ne me passionne pas plus que ça, je suis sortie de ma zone de confort et ça a été pour passer un bon moment, alors, que dire de plus ? 


"Et ma picole était mélancolique. Je buvais des larmes de fiel et je prenais chaque regard comme un coup de poing de mépris en plein abdomen. Mes yeux erraient, vides et tristes, je m’isolais, m’exilais parfois en plein milieu d’une soirée, sans prévenir, puis avec le sentiment que ça ne gênait personne que je disparaisse comme ça. Un fantôme."

Olivier El Khoury, Surface de réparation.









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