mercredi 25 octobre 2017

Le Coin des libraires - #73 Le Mystère Jérôme Bosch de Peter Dempf

Je vous présente aujourd'hui le deuxième thriller lu dans le cadre de la team thrillers du Cherche midi. Le premier était Sous ses yeux de Ross Armstrong, un thriller psychologique ayant un certain nombre de défauts mais qui était néanmoins une lecture agréable. Avec Le Mystère Jérôme Bosch de Peter Dempf, c'est une lecture plus qu'agréable que je vous présente aujourd'hui, c'est une lecture addictive ! 

Avant d'entrer dans le vif du sujet à proprement parler, j'aimerais tout d'abord dire que l'idée d'écrire un thriller historique sur un tableau m'a dès le début enthousiasmé. J'ai un peu étudié l'histoire de l'art quand j'étais au lycée et ça m'avait vraiment plu, mais depuis, je me suis un peu éloignée de la peinture/sculpture, etc. et c'est très agréable de le retrouver dans un roman - surtout que je suis actuellement en train de lire Je couche toute nue de Claudel/Rodin qui a bien évidemment un lien avec la sculpture alors autant dire que pour ce qui est de l'art en général, je suis en plein dedans en ce moment ! 


Dans la lignée de Iain Pears et d’Arturo Pérez-Reverte, ce thriller érudit, qui connaît un triomphe international, entraîne le lecteur dans un jeu de piste passionnant à travers les secrets de l’œuvre de Jérôme Bosch.
2013 : Madrid. Le Prado. Le Jardin des délices, célèbre triptyque du peintre flamand Jérôme Bosch, a été vandalisé par un prêtre dominicain. Le religieux, convaincu que l’œuvre dissimule un dangereux secret susceptible de nuire à l’Église, a lancé du vitriol sur le tableau avant d’être maîtrisé par les gardiens du musée.

Restaurateur de tableaux, Michael Keie se voit confier la tâche délicate de remettre le triptyque en état. Très vite, il fait une découverte stupéfiante : à plusieurs endroits, les couches de peinture altérées laissent transparaître des symboles cachés. Avec l’aide de son collègue madrilène Antonio de Nebrija, un vieil érudit fantasque, Keie va tenter de déchiffrer ces signes étranges.

1510 : Petronius Oris arrive à Bois-le-Duc dans les Flandres pour travailler aux côtés de Jerôme Bosch. Alors que la cité est envahie par les sbires de l’Inquisition, Petronius découvre que Bosch, initié à un secret hérétique, travaille en secret à un mystérieux triptyque.

Avec ses deux enquêtes parallèles, l’une dans le présent, l’autre dans le passé, qui se font écho pour percer le secret du célèbre Jardin des délices, Peter Dempf fait preuve d’une incroyable érudition et nous offre un suspense magistral qui tient en haleine jusqu’à la dernière page.

Je dois avouer que dès le début j'avais un peu peur que l'intrigue se passe vraiment trop au XVIème siècle et pas assez au XXIème et c'est véritablement le cas, on suit beaucoup plus Petronius Oris que Michael Keie et de Neibrija, mais qu'est-ce que c'était bon ! 
Le XVIème n'est pas une période que j'affectionne particulièrement en histoire, à vrai dire tout l'époque Moyen Âge/Renaissance m'ennuie terriblement d'un point de vue historique - je préfère nettement la période allant du XVIIIème au XXème, ce dernier siècle étant ma période historique favorite comme vous le savez sans doute. 

Pourtant, je suis directement entrée dans l'histoire, j'ai été littéralement emportée par l'intrigue, par l'époque, par les personnages. Comme je lis très peu de livres de cette période - que ce soit écrit au XVIème ou qui se passe au XVIème, je n'y connais presque rien et du coup j'ai appris plein de choses, notamment sur l'Inquisition dont j'avais de vagues souvenirs - mes souvenirs étant ceux de Candide de Voltaire, on peut dire que ça ne pesait pas des masses niveau culture sur l'inquisition... 

On se trouve catapulté à Bois-le-Duc de façon brusque c'est vrai, mais c'est tellement bien introduit qu'on ne peut qu'adhérer à l'époque et à l'histoire. J'ai pu m'imaginer là-bas, je visualisais parfaitement les lieux et les personnages et c'est en grande partie ce qui m'a permis d'autant aimer ma lecture. Et puis comme je lis dis au-dessus, j'ai aimé le fait que ce soit l'époque de l'Inquisition qui est incarnée par le biais du père Baerle qui est un excellent méchant, une bonne ordure fermée d'esprit, on peut le dire ! 



Le Mystère Jérôme Bosch de Peter Dempf, éditions Cherche-midi.


J'ai surtout adoré l'interprétation du tableau Le Jardin des délices, ce triptyque aussi mythique que méconnu du point de vue de l'interprétation. Je ne m'attendais pas du tout à ce que l'auteur nous livre une interprétation aussi féministe en quelque sorte, et ça a été une excellente surprise et surtout une façon de voir les choses que j'ai trouvée particulièrement intéressante. 
Et puis aussi, le fait qu'on donne une si grande importance au féminin dans une oeuvre aussi réputée, aussi saluée et qui date du tout début du XVIème (environ 1504). L'auteur nous rappelle d'ailleurs que l'Eglise reconnaît que les femmes ont une âme et donc qu'elles ne vont pas en Enfer après la mort qu'en 1475... soit une trentaine d'années avant la conception de l'oeuvre. 

Toute cette façon de racheter la femme d'un point de vue religieux m'a enthousiasmé, cette idée qu'une nouvelle ère va arriver et qu'avec celle-ci le règne du matriarcat m'a semblé vraiment intéressant et surtout avec les éléments donnés par les personnages, ça tient la route à 1000 pour cent ! 

Même si l'interprétation de l'auteur est en grande partie fantaisiste et qu'elle n'est pas du tout confirmée d'un point de vue historique (dans le sens où les chercheurs en histoire de l'art ne vont pas dans cette direction) j'ai trouvé ce point de vue extrêmement novateur et donc intéressant. La présence de personnage réel comme Van Almaengien qui est ici sexuellement différent de ce que veut l'Histoire donne un attrait tout autre et appuie l'interprétation de Peter Dempf. 

Enfin, j'ai trouvé intéressante la façon dont est considéré l'homme-arbre dans l'intrigue - une émanation des cauchemars de Petronius - puisque classiquement, on considère cet homme comme étant Jérôme Bosch lui-même qui se condamnerait tout comme les autres Hommes, le tableau serait donc une illustration de l'humanité qui se trouve être condamnée. Ceci est une interprétation trouvée après des recherches personnelles dans un ouvrage, ce n'est évidemment pas la vérité - vérité que l'on n'aura jamais puisqu'aucun élément ne peut venir étayer une interprétation plus qu'une autre. 

À l'image de la mise en abîme (récit dans le récit), on est complètement emporté dans l'histoire racontée par le père Baerle (celui du XXIème), son talent de conteur qui est clairement félicité par les protagonistes est tout à fait véridique, donc par extension, celui de Peter Dempf l'est tout autant. Il nous entraîne dans un monde fait de complots, de tromperies et finalement, on ne peut qu'entrer dans l'histoire les yeux fermés et se laisser embarquer dedans. 


"Dans la réalité, seule la vie est envahie par le mal, la créativité est innocente, exempte de tout péché. Cette créativité est infinie, tandis que notre pensée reste enfermée dans les rets de nos erreurs."

Peter Dempf, Le Mystère Jérôme Bosch.









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