samedi 3 février 2018

Le Coin des libraires - #83 Journal d'un recommencement de Sophie Divry

Ce n'est plus un secret pour personne, je collectionne désormais tous les ouvrages de la collection Notabilia et ce, depuis un an maintenant. 
Comme c'est une collection qui existe depuis 2013, il est difficile de trouver les premières parutions si bien qu'il faut les commander pour la plupart et comme je déteste commander sur Internet - le problème de l'attente...  - et bien, il me manque beaucoup des premières parutions. 

Néanmoins, après avoir lu le tout premier avec Dernier voyage à Buenos-Aires de Louis-Bernard Robitaille, je me suis procurée le troisième qui est Journal d'un recommencement de Sophie Divry


Journal d’un recommencement est un regard neuf sur une institution vieillissante, regard posé par la jeune narratrice sur l’Église catholique. Elle s’interroge sur les rituels qui réunissent les chrétiens tous les dimanches, elle qui perçoit sa propre croyance non pas comme un aveuglement mais comme une énigme.

À travers le journal de visites paroissiales, alliant introspection et observations teintées d’humour, Sophie Divry parvient à dresser un tableau tout en subtilité sur la vie d’une communauté de croyants.

Sa plume sobre, jamais complaisante, navigue avec bonheur entre différents registres pour nous livrer un récit inhabituel et bouleversant.


Je ne connaissais pas Sophie Divry avant l'été 2016, avant que son livre Quand le diable sortit de la salle de bain fasse grand bruit. Ce roman m'intriguait déjà énormément si bien que je l'ai acheté - mais pas encore lu car j'aimerais lire ses livres en fonction des parutions et celui-ci est son troisième roman publié chez Notabilia, alors je vais devoir attendre encore un peu. 


Journal d'un recommencement est extrêmement court puisqu'il ne fait que 80 pages, il se lit d'une traite un peu comme Les enfants de Dimmuvík de Jón Atli Jónassón, mais pas pour les mêmes raisons. 
Les enfants de Dimmuvík m'a marqué pour sa dureté et sa froideur, Journal d'un recommencement m'a marqué pour la force des interrogations et la pertinence de la Foi dans l'Eglise catholique aujourd'hui. 

On suit une jeune femme, on ne sait pas grand chose sur elle si ce n'est qu'elle a grandi dans une famille croyante et qu'elle a "décidé" de devenir athée à l'âge de 14 ans. Comme son titre l'indique, c'est sous forme de journal intime que la narratrice va nous parler, c'est le journal d'une femme qui renoue peu à peu avec la religion, qui retrouve la foi et s'interroge sur ce qu'est être croyant aujourd'hui, sur la place de la religion dans la vie et ce que ça peut apporter. 

Ce petit livre est divisé en chapitres tels que "le besoin", "le doute", "la pitié", "le recommencement", qui sont eux-mêmes divisés par des "moments", des passages où la narratrice se trouve dans une église et écrit son état d'esprit, son ressenti par rapport à ce lieu spécifique. Il arrive qu'on retrouve la même paroisse, mais d'autres fois, la narratrice va dans une autre église ce qui permet d'enclencher toutes sortes de questionnement - par exemple l'aspect décrépi des lieux ou encore le manque de fidèles. 


Journal d'un recommencement de Sophie Divry, collection Notabilia.

J'ai vraiment aimé me plonger dans ce livre parce que j'ai trouvé les interrogations de la narratrice tout à fait pertinentes. En partant de ce postulat de "qu'est-ce que l'Eglise aujourd'hui ? qu'est-ce qu'être croyant ?" on apprend vraiment énormément de choses et on se rend compte à quel point la vision de la religion (catholique ici) a changé. Pour donner quelques exemples, il y a un passage où la narratrice est avec des amis et elle prétexte quelque chose pour aller se promener et aller à l'église, elle ne dit pas qu'elle y va, sans aucun doute parce qu'elle a honte d'y aller. 
Le fait que la croyance soit devenue si peu commune de nos jours remet en perspective la religion en elle-même. L'histoire montre l'importance qu'a eue l'Eglise dans la vie des hommes et ce, durant des siècles et des siècles et aujourd'hui, il semblerait que la roue ait tourné et que le manque de fidèles entraîne une décrépitude de la pratique, mais aussi des lieux de cultes. 

J'ai été choquée de voir la différence de nombre de prêtres ordonnés en France : 1033 en 1950 et seulement 83 en 2010, on peut difficilement mieux illustrer cette ruine. 
Et puis, il y a aussi ce mini-chapitre qui est très différent du reste du livre par sa forme, en effet, il s'agit d'un dialogue à trois voix, une conversation autour de l'abandon des lieux de culte, autour des églises - ici l'église du Bon-Pasteur - qui se retrouvent fermées parce qu'il n'y a plus suffisamment de prêtres ni de fidèles. 

Je crois qu'on ne se rend pas vraiment compte de l'agonie de la religion de nos jours, je crois qu'il faut avoir été croyant et même pratiquant pour le remarquer. N'ayant pas été forcée de faire du catéchisme ni même d'assister à la messe, je ne peux pas dire que c'est un sujet que je connais puisque dans tous les cas, je ne suis pas croyante. Mais je dois dire que je suis attristée de voir de si beaux bâtiments laissés en ruine par manque de moyens, par manque d'intérêt pour ces anciens lieux de vie. 

Il y a énormément d'églises là où je vis, notamment une dans le centre-ville qui me paraissait être peu fréquentée. Je passe devant un nombre incalculable de fois et jamais je ne suis rentrée. 
Et puis j'ai lu ce livre, j'ai énormément réfléchi dessus et je me suis décidée à entrer dans cette fameuse église et je ne sais pas ce que je voulais y voir exactement, mais j'étais curieuse. Je suis entrée et j'ai trouvé un bâtiment vide, pas une âme qui vive, rien, simplement le silence.
C'était un moment agréable c'est vrai, je me suis retrouvée entièrement seule dans un lieu magnifique et c'était un sentiment de quiétude ou quelque chose qui s'en rapproche, mais j'étais aussi peinée de voir qu'il est désormais déserté. 
N'étant pas croyante je ne vais pas commencer à investir les lieux de culte comme ça, mais j'aime le bâtiment, ça fait partie de notre patrimoine et je suis peinée de voir des églises à l'état d'abandon, des monuments qui autrefois ont accueilli des tas de personnes et qui maintenant, se trouvent être abandonnés, c'est dommage. 


Mon premier Sophie Divry donc et un premier pari réussi, le prochain que je dois lire (et donc me procurer) est La condition pavillonnaire et après ça, je pourrais enfin m'atteler à Quand le diable sortit de la salle de bain et surtout à Rouvrir le roman, son dernier livre paru en février dernier qui est un essai sur le roman comme son nom le laisse présager - vivement donc ! 


"Sans doute nos anciens savaient nommer ces émotions : béatitude, grâce, oraison, mais là ; cette musique ; cette douceur ; cet échec pour les dire. Ainsi de toutes ces questions transmises de génération en génération , « vivre en conformité avec l’évangile », ces voyages dans l’âme, ces combats du tréfonds : chacun les saisit par ses propres moyens, de plus en plus faibles ; les réponses ; de plus en plus obscures ; nous sommes balbutiants ; car s’il n’y a plus de mots, notre for intérieur, comment survivra-t-il ? Ainsi de mon ignorance devant cette musique que je ne peux nommer ; qui correspond pourtant à un dépôt de mémoire en moi ; un dépôt que d’autres auraient laissé et que j’écoute sans comprendre."

Sophie Divry, Journal d'un recommencement.






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