samedi 10 février 2018

Le Coin des libraires - #84 Seuls les enfants savent aimer de Cali

Tout d'abord je tiens à remercier les éditions du Cherche midi pour ce livre, j'ai eu l'agréable surprise de le recevoir la veille de Noël et ça m'a énormément touché alors, un grand merci.
Cali n'est pas un artiste que je connais particulièrement. Disons que je le connais de nom, que j'ai déjà entendu certaines de ses chansons, mais ça ne va pas au-delà de ça, ce n'est donc pas pour l'auteur si j'ai eu envie de rapidement lire Seuls les enfants savent aimer. 


Seuls les enfants savent aimer.

Seuls les enfants aperçoivent l'amour au loin, qui arrive de toute sa lenteur, de toute sa douceur, pour venir nous consumer.

Seuls les enfants embrassent le désespoir vertigineux de la solitude quand l'amour s'en va.

Seuls les enfants meurent d'amour.
Seuls les enfants jouent leur coeur à chaque instant, à chaque souffle.
À chaque seconde le coeur d'un enfant explose.
Tu me manques à crever, maman.
Jusqu'à quand vas-tu mourir ?



J'ai attendu de passer mes derniers examens pour pouvoir me plonger dans ce roman et ainsi pouvoir le lire rapidement si l'envie m'en prenait. 
La thématique du roman n'est pas neuve puisque l'auteur nous parle de sa mère, plus précisément de sa disparition. Les récits sur les mères ne manquent pas en littérature - je vous parlais récemment de Rien ne s'oppose à la nuit... 
Et pourtant, j'ai réellement aimé lire ce livre, je n'ai pas trouvé qu'il était moins pertinent ou intéressant qu'un autre, ce qui aurait pu être possible étant donné que l'auteur n'est pas "écrivain de métier" - écrivain dans le sens d'écrire des livres, il est compositeur et auteur, mais de musique, la démarche est quand même différente. 


C'est par la grande porte que l'on entre dans l'histoire, par une immersion directe et brutale puisque le petit Bruno, âgé d'à peine 6 ans, nous ramène au moment de l'enterrement de sa mère. C'est bien évidemment le moment fondamental, on se concentre bel et bien sur ce manque de la mère, sur cette disparition trop rapide (elle avait une trentaine d'années). 
C'est la fêlure et on va s'attacher à nous raconter comment un jeune garçon qui a perdu sa mère voit le monde, comment il tente de continuer à vivre malgré tout. Des moments où sa mère était encore présente, on ne sait au final pas grand chose, elle nous est esquissée de manière assez intimiste, par pudeur peut-être. 

Quoi qu'il en soit le but du livre n'est pas d'écrire une sorte d'éloge à sa mère disparue, enfin personnellement, je l'ai surtout vu comme une manière de lui rendre hommage évidemment, mais aussi peut-être d'exorciser une douleur contenue trop longtemps. L'homme qu'est devenu le petit Bruno a peut-être ressenti ce besoin d'enfin parler et de dire la douleur que c'est de perdre sa mère aussi jeune. 


Seuls les enfants savent aimer de Cali, éditions Cherche midi.


J'ai aimé cette façon de reprendre des interrogations enfantines en quelque sorte, de poser des questions telles que "Jusqu'à quand tu vas mourir ?", ça permet de rappeler que même si c'est un homme adulte qui s'adresse à nous, c'est sans aucun doute avec son regard d'enfant qu'il se remémore cette période et forcément, ça rend le récit plus poignant que si c'était simplement rétrospectif.

En revanche, j'ai trouvé certains passages assez longs, enfin disons plutôt que certains passages ne m'ont pas énormément passionné, c'est le cas par exemple des moments passés à l'école. Je comprends la nécessité de contrebalancer la mort de la mère avec le fait que malgré tout la vie continue, malgré tout un enfant qui vient de perdre sa mère doit bien retourner à l'école et accepter le regard des autres, c'est simplement que personnellement, j'ai pas hyper adhéré. 

J'ai trouvé cool le fait qu'on nous ne en dise pas des tonnes sur toute sa famille. Au final, il nous parle un peu de son frère et sa soeur, un peu de son père (qui est d'ailleurs toujours très touchant dans sa tristesse...), mais on ne s'attarde pas trop. On s'attarde moins sur eux que sur son meilleur ami, Alexandre, qui a indéniablement le second rôle. Son personnage m'est apparu comme remplaçant de cette mère trop vite disparue, un peu comme si avec avec la mort, Bruno opérait un glissement familial. Sa famille qui paraît n'être plus qu'une ombre n'est pas dans la capacité de s'occuper d'un enfant qui vient de perdre sa mère, chacun ayant déjà sa propre peine à gérer, alors la famille de son meilleur ami devient sa famille et d'une certaine façon, va permettre de guérir ou du moins d'atténuer la peine.


"J’aimerais tant que la vie nous perde pour toujours. Égarés en un lieu que personne ne connaît. Un lieu où mourir heureux, le ventre déchiré d’amour."

Cali, Seuls les enfants savent aimer.


Et puis il y a ces autres passages, des fulgurances, des phrases, parfois des paragraphes qui sortent de nulle part et qui disent la douleur, qui sont des émotions à l'état pur et qui touchent, qui touchent d'une manière si brusque qu'on ne peut que souffrir un peu avec Bruno. Depuis que j'ai terminé le livre je pense beaucoup à ce moment où Bruno a un chat pour son anniversaire, et plus particulièrement à toutes les remarques qu'il fait quant à l'animal. J'y pense énormément parce que la finalité m'a déchirée le coeur, cette confirmation qui vient enfoncer encore plus un garçon qui doit faire face la tête haute et qui, en plus, se montre d'une lucidité extraordinaire. 


Enfin, je ne dirais pas que ça a été une lecture inégale parce que j'ai quand même passé un bon moment, simplement, certains passages m'ont moins intéressé que d'autres - c'est le risque quand on décide de traiter par tranches de vie, dans le sens où le récit n'est pas linéaire sur le temps - mais globalement, j'ai apprécié ma lecture. 
J'ai trouvé certains passages extrêmement bien écrits et surtout vrais, je ne sais pas si l'auteur a eu du mal à se remémorer, à "écrire ses sentiments", mais pour moi, il ne fait pas de doute qu'il a décortiqué des émotions avec une grande justesse et c'est sans doute ce que je garderai de ce livre. 


"C’est donc ça, la vie : des rêves qui se noient petit à petit, un sac où s’entassent pêle-mêle amours et joies, des chagrins qui pèsent et vous emportent vers le fond ? Un sac que l’on porte en vacillant ; alors on chute ; notre vie se blesse à chaque mètre."

Cali, Seuls les enfants savent aimer.









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