samedi 24 mars 2018

Le Coin des libraires - #90 La dernière étoile (#3 La 5è Vague) de Rick Yancey

Oh mais quelle déception ! Voilà les premiers mots qui viennent conclure mon avis sur cette saga qu'est La 5è Vague. Je ne m'attendais plus à ce que ce soit un coup de coeur, je ne pouvais plus après avoir lu les deux premiers volets sans les trouver exceptionnels, voire même limite dans le traitement du sujet et des personnages, mais que dire, j'aime persévérer. 

Ce troisième tome ne relève pas le niveau, il n'est clairement pas à la hauteur de ce qu'on nous a vendu durant des mois et des mois - franchement, pourquoi ce livre a-t-il eu droit à une adaptation cinématographique quand tant d'autres, qui sont bien mieux, n'ont pas cette chance ? 
Dire qu'il ne vaut rien et que c'est juste nul n'est évidemment pas vrai. Je dois quand même avouer que pour moi, il est plus nul que bien, mais je vais expliquer tout ça. 



1re vague : Extinction des feux.

2e vague : Déferlante.

3e vague : Pandémie.
4e vague : Silence. 
À l’aube de la 5e vague… 
Ils sont parmi nous. Ils sont dans leur vaisseau. Ils sont nulle part. Ilsveulent la Terre. Ils veulent qu’elle nous revienne. Ils sont venus nous exterminer. Ils sont venus nous sauver…
Cassie a été trahie. Ringer aussi. Et Zombie. Et Nugget. Et les 7,5 milliards d’humains qui peuplaient notre planète. Trahis d’abord par les Autres, et maintenant par eux-mêmes.
En ces derniers jours, les rares survivants sur Terre se retrouvent confrontés au dilemme ultime : sauver leur peau… ou sauver ce qui les rend humains.
Le dernier tome de la trilogie phénomène, adaptée au cinéma.


La dernière étoile fait directement suite aux événements de La mer infinie qui, comme je vous le disais dans mon article dessus, est à mon humble avis, bien meilleur que le premier tome. J'avais donc un peu l'espoir que la conclusion de la trilogie pouvait être tout à fait acceptable, du moins se terminer sur une note relativement positive. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour moi.

Une fois le deuxième tome terminé, on s'attend forcément à un peu plus d'action, le premier m'avait paru chaotique et particulièrement long, le deuxième m'a semblé avoir été écrit pour meubler, pour justifier la trilogie, mais au moins il avait du potentiel dans son intrigue. Le personnage de Ringer se trouvant être bien plus intéressant que celui de Cassie, c'était assez cool de la suivre elle, mais on n'avançait pas et c'était bien le problème de cet opus. 
Du coup, en commençant le troisième on se dit forcément que ça y est, on y est, tout va partir et ça va être la folie jusqu'aux dernières pages... bah oui, mais non. 

Ça ne se passe pas comme ça parce que tout ce qui se passe est vu à trois kilomètres, on a aucune surprise - la seule, à la rigueur, c'est le fait que Ringer soit enceinte, mais ça sort tellement de nulle part, ça sonne tellement creux qu'on reste abasourdis et pantois. 
Au sujet de Cassie, bah forcément je l'ai trouvé insupportable toutes les fois où elle avait la parole, toutes ses réflexions sans fond au sujet de son frère, au sujet d'Evan, ça m'a mortellement ennuyé et puis c'est cette fin, sa fin... non parce que c'est pas comme si on la sentait à trois kilomètres après tout, non mais c'est vrai, tout le monde sait pertinemment que c'est une mission suicide, elle le sait elle-même alors forcément devoir attendre qu'il se passe ce dont on sait qu'il va se passer, bah c'est un peu chiant en fait. 


La dernière étoile de RickYancey.


C'est vraiment dommage et pour tout dire ça m'embête de ne pas avoir accroché avec cette trilogie. Une fois la lecture du deuxième tome terminée, je me disais que j'étais mitigée, mais qu'on pouvait toujours me convaincre et là, avec ce tome, je n'ai franchement rien de vraiment bon à en sortir, rien qui soit suffisamment important pour que ça relève le niveau, pour que mon appréciation soit moins négative qu'elle ne l'est actuellement. 
Ce qui m'ennuie surtout c'est que l'idée de base est novatrice et même vachement intéressante, la venue des extraterrestres, le principe des vagues qui détruisent l'humanité c'est vraiment top, mais dans le traitement c'est juste pas ça quoi, c'est téléphoné et donc invraisemblable - ce qui arrive à Cassie à la fin de ce tome en est l'exemple parfait ! 


Pour ce qui est du style de l'auteur, j'ai envie de dire que ce n'est pas parce qu'on écrit pour la "jeunesse" qu'il faut écrire sans une once de poésie, mais si je dis ça, je risque de provoquer un tollé, celles et ceux qui ont adoré cette trilogie et qui trouvent la plume de l'auteur poétique risquent de me tomber dessus, mais bon, j'aimerais savoir ce qu'il y a de poétique là-dedans ? À la rigueur, on peut dire que c'est fluide, que c'est naturel, mais poétique, ah, ouais non vraiment, ça l'est carrément pas. 
Personnellement j'ai trouvé son style franchement monotone tout en ayant l'impression qu'il essayait de faire des différences entre les personnages par le biais d'un langage parfois vulgaire mais franchement pas original. C'est un peu l'idée de "oh on est des ados, et puis merde c'est la fin du monde en plus alors pourquoi on n'aurait pas le droit de dire des gros mots ?!"


Et les personnages dans tout ça ? et bien, ils ne sortent jamais réellement des stéréotypes qui leur sont attribués dès le premier tome en fait. C'est donc difficile de les trouver attachants - excepté Zombie qui est un bon personnage, qui arrive malgré tout à devenir autre chose que le beau gosse du lycée, ou encore Evan mais il a été saccagé. Evan est mon personnage préféré, celui avec le plus de potentiel mais l'auteur a tout réduit en miettes ! Ce dernier tome est aussi décevant parce que l'auteur a pris une direction qui ne m'a franchement pas convaincue et qui, une fois encore est couru d'avance, que ce soit sa "capture" ou sa mémoire effacée ou même les dernières lignes du roman le concernant, tout est tellement prévisible et dommage qu'il n'y a rien à rattraper. 

Et enfin, il est grand temps de parler de la conclusion, de la fin qui sonne carrément creux dans le genre faux happy ending on n'aurait pas pu faire mieux ! Après avoir dû faire face à autant de choses, après que Cassie ait cru qu'elle était l'humanité, voilà que tout semble bien se terminer au point que la gamine de Ringer se fait appeler... Cassie ! Ça m'a achevé il n'y a pas d'autres mots je trouve ça tellement nian nian que ça en est presque ridicule ! Je dois donc dire que j'étais bien contente d'en finir, d'en venir à bout parce que franchement, ça ne vaut pas la pub que ça a reçu - enfin tout ça n'est que mon avis bien évidemment. 






dimanche 18 mars 2018

Le Coin des libraires - #89 Ce qu'est l'homme de David Szalay

Ce qu'est l'homme de David Szalay m'est tombé dans les mains un peu au hasard. J'ai reçu un mail de la part de Babelio dans le cadre d'une opération privilégiée comme il l'appelle. Cette opération proposait de recevoir ce roman et comme le résumé m'a bien plu, j'ai tenté le coup. 

Voilà que trois jours après je reçois le roman dans ma boîte aux lettres, quelques jours avant sa sortie officielle. Je remercie donc Babelio et les éditions Albin Michel pour m'avoir donné la possibilité de lire ce livre. 


David Szalay est un nom encore inconnu en France, ce livre est son premier roman traduit en français, mais avec Ce qu'est l'homme, il est possible que les choses changent. 

Neuf hommes, âgés de 17 à 73 ans, tous à une étape différente de leur vie et dispersés aux quatre coins de l’Europe, essayent de comprendre ce que signifie être vivant. Tels sont les personnages mis en scène par David Szalay à la façon d’un arc de cercle chronologique illustrant tous les âges de la vie. En juxtaposant ces existences singulières au cours d’une seule et même année, l’auteur montre les hommes tels qu’ils sont : tantôt incapables d’exprimer leurs émotions, provocateurs ou méprisables, tantôt hilarants, touchants, riches d’envies et de désirs face au temps qui passe. 
Et le paysage qu’il nous invite à explorer, multiple et kaléidoscopique, apparaît alors au fil des pages dans sa plus troublante évidence : il déroule le roman de notre vie.
Avec ce livre, finaliste du Man Booker Prize, le jeune auteur britannique offre un portrait saisissant des hommes du XXIe siècle et réussit, en disséquant ainsi la masculinité d’aujourd’hui, à dépeindre avec force le désarroi et l’inquiétude qui habitent l’Europe moderne.



Je n'avais pas pensé à la taille du livre avant de le recevoir et je dois dire que ça ne m'a pas arrangé qu'il soit aussi gros (quasi 550 p.) - l'inconvénient quand on a des livres à lire pour les cours... Mais au final, je l'ai lu rapidement et ce, grâce à la forme du livre. Catégorisé roman, il pourrait très bien être considéré comme un recueil de nouvelles, puisque une partie correspond à une histoire indépendante les unes des autres. En réalité, le seul élément qui fait que l'on lit les parties dans l'ordre est le fait que les âges des protagonistes évoluent à chaque fois. 

Le premier homme que l'on suit à 17 ans, puis on entre dans la vingtaine, la trentaine, jusqu'à arriver jusqu'à 65 et 73 ans. C'est intéressant de ce point de vue parce que personnellement, j'ai attaché énormément d'importance au temps, à l'emprise du temps, son passage, sa durée. C'est vraiment ce qui m'a le plus plue dans ce livre : la façon dont les personnages que l'on suit vivent dans un lieu dont ils ne sont pas originaires et comment le temps passe ou au contraire, semble faire du sur-place. 

On entre dans l'histoire par le biais de Simon, un anglais qui a décidé de partir faire une partie de l'Europe avec un ami à lui. J'ai adoré cette première partie, le personnage de Simon, ses réflexions, sa passivité et évidemment leur voyage - qui ressemble énormément à celui que je rêverai de faire !
J'ai aimé le questionnement intérieur. Simon qui est "déçu" se demande pourquoi on voyage et ce qu'est être un touriste. 
Dans la deuxième, c'est au tour de Bernard de nous occuper avec un moment de sa vie. Bernard est français, il est en quelque sorte un bon à rien, en tout cas il est suffisamment incapable pour que son oncle décide de le virer. Il décide de partir à Chypre seul après avoir été embrigadé, puis abandonné. Au début j'avais un peu de mal avec lui, avec le fait de devoir rencontrer un autre homme, découvrir sa vie, ses attentes, ses rêves. 
Et bah franchement, je pense qu'il en a pas des masses de rêve, le Bernard. Là aussi j'ai beaucoup aimé suivre son périple, mais je ne saurais pas dire pourquoi. Parce qu'il est resté passif tout du long et n'a fait que subir jusqu'à la fin ? Parce qu'il n'a absolument rien appris, ou en tout cas, qu'il ne semble pas avoir appris grand chose de ce voyage en solo ? Ou peut-être simplement parce que les situations dans lesquelles il se retrouve sont parfois hilarantes. 


Je ne vais pas parler de toutes les histoires, mon article serait trop long et le but n'est pas de vous faire un résumé. Je vais néanmoins en aborder quelques unes plus que d'autres, parce que je trouve que ce roman est très intéressant d'un point de vue anthropologique et sociologique, mais inégales du point de vue des histoires qu'il nous raconte. 


Ce qu'est l'homme de David Szalay, éditions Albin Michel.


Certaines ne m'ont pas franchement intéressées et c'est pas bien parce qu'elles sont globalement assez courtes (une soixantaine de pages en gros), que j'ai pu en venir à bout. À titre d'exemple, après avoir  aimé les deux premières, j'ai beaucoup moins accroché avec la troisième et la cinquième surtout (la quatrième un peu aussi, mais ça allait pour certains aspects). À vrai dire, je ne voyais pas forcément l'intérêt de suivre ces hommes, je suis restée assez hermétique à leur vie, leur but.
Et puis, j'ai trouvé aussi que ça tournait un peu trop autour du sexe, et ce, dans quasiment toutes les parties. Il y a souvent une espèce d'"enjeu" sexuel, comme si être un homme signifiait nécessairement coucher avec une femme ou le souhaiter. Ça pour le coup, j'ai trouvé que c'était dommage. 

Au-delà de ça, certaines parties m'ont marquées pour leur propos, ou leur personnage. Ça a été le cas de la septième, celle de Murray, un anglais qui s'est expatrié en Croatie. Cet homme est détestable, mais il est tout autant attachant parce qu'il est malchanceux. J'ai trouvé cette partie particulièrement bien écrite parce qu'elle nous met dans la situation d'un homme qui se croit mieux que les autres et qui, finalement, est forcé de s'avouer vaincu. J'ai aimé l'ambiance qui se dégage du pays, la moiteur déjà rencontrée à Chypre, dans la deuxième partie. 

J'ai aimé les deux dernières, celles qui mettent en scène des hommes plus vieux, des hommes qui ont déjà vécu une grande partie de leur vie et qui regardent en arrière plutôt qu'en avant. Il m'a été facile de lire ces parties parce qu'elles sont formidablement écrites, elles nous mettent devant la réalité que représente le fait de vieillir, le fait que le temps passe inexorablement. Les destins d'Aleksandr et Tony sont tout à fait différents, ils ont un rapport au temps et donc au monde tout aussi différent, mais il n'empêche qu'à leur façon, ils permettent de remettre les choses en perspective. Ils nous font nous poser cette question toute simple : qu'est-ce que vivre ? ou peut-être plutôt, comment vivre ? 


Aussi, j'aurais voulu visiter plus de pays. Je sais que le résumé parle bien de l'Europe et seulement de l'Europe - chose qu'en soi, je trouve dommage -, mais j'ai un peu eu le sentiment que l'auteur entend l'Angleterre comme centre de l'Europe, et plus particulièrement Londres. En y regardant bien, sept parties citent Londres, que ce soit le domicile du personnage, la ville dont il est originaire, où le lieu où il part en voyage. L'Europe ne se résumé pas à ça, du coup c'est dommage, voire regrettable. 

Comme je le disais j'ai trouvé les histoires assez inégales, peut-être que je suis passée à côté des parties "centrales" - j'ai beaucoup aimé les deux premières ainsi que les trois dernières et ce sont les quatre du milieu qui ne m'ont pas convaincues. Je garde un très bon souvenir de certains personnages et je me suis vraiment attachée à eux au point que ça m'aurait plue que leur histoire continue. C'est ce qui est difficile aussi dans ce livre : accepter de suivre le destin d'un homme durant quelques chapitres, puis la fin arrive et on en ressort avec un sentiment de solitude assez fort. Solitude qui est peut-être (sans doute) celle de ces hommes qui paraissent toujours un peu à l'écart, complètement esseulés. 

Le temps et la solitude donc, oui, ça me paraît assez bien pour résumer mon ressenti pour Ce qu'est l'homme de David Szalay. Loin d'être un coup de coeur, mais une lecture très agréable quand même, et sûrement une lecture plus complexe qu'elle n'y paraît. Ce n'est donc que justice si ce roman a été un des finalistes du Man Booker Prize. 



"Ils ont beau être affutés comme des pierres précieuses, ces souvenirs semblent étonnamment petits, lointains, comme observés dans un télescope à l’envers."

David Szalay, Ce qu'est l'homme


"La veille, il s’était senti sombrer dans une sorte d’obscur crépuscule de l’âme. Un pessimisme épouvantable plusieurs heures d’affilée. En substance, la conviction qu’il avait bousillé sa vie, et que tout était terminé."
David Szalay, Ce qu'est l'homme.

samedi 10 mars 2018

Le Coin des libraires - #88 Comment j'ai infiltré la Gestapo de Jean Lacipiéras

Tout d'abord, un immense merci à Babelio et aux éditions Pierre de Taillac pour ce livre. Je dois dire qu'il me fait de l'oeil depuis sa sortie (mai 2017), malheureusement je ne l'ai jamais trouvé dans une de mes librairies et comme j'ai rarement la patience de commander sur internet,  je n'ai pas eu l'occasion de le lire avant - je vous laisse donc imaginer ma joie quand j'ai vu qu'il figurait au sein de la masse critique de janvier ! 


Je suis très contente d'avoir lu ce livre et ce, pour diverses raisons. La première étant que je n'avais encore jamais lu de récit du côté résistant. C'est véritablement l'aspect concentrationnaire qui m'intéresse dans la Seconde Guerre mondiale et je me rends compte que finalement, à part ce que j'ai appris au lycée, bah je ne sais pas grand chose sur la Résistance en Europe, et plus particulièrement sur la Résistance française. 
Avec ses mémoires, Jean Lacipiéras nous immerge dans un monde duel, où le bien côtoie le mal et même, pactise avec lui. 



Le témoignage surprenant d'un agent double qui va infiltrer la Gestapo lors de la Seconde Guerre mondiale.



En plus d'être mon premier livre dans le genre, c'est également mon premier de cette maison d'édition spécialisée dans l'histoire. Je ne suis pas sûre qu'elle soit très connue malheureusement, mais après avoir longuement regardé le catalogue qu'ils m'ont fait parvenir, je peux dire que leurs livres ont l'air de très bonnes qualités. En tout cas, si je me réfère à Comment j'ai infiltré la Gestapo, il est indéniable qu'historiquement parlant, ce livre est une pépite ! 
C'est évidemment l'aspect historique qu'il faut prendre en compte ici, si vous cherchez un exercice ce style, autant passer votre chemin, Jean Lacipiéras n'est pas écrivain et, comme il le dit lui même, il n'est qu'un soldat. 

Je trépignais d'impatience, je voulais absolument savoir comment ce soldat français a pu infiltrer la milice allemande et ainsi, permettre de sauver des vies, et au passage, d'en supprimer également. 
Comme je le disais c'est un récit tout à fait vrai, l'auteur a même été jusqu'à ajouter en annexe des tas de documents venant prouver ses dires. L'édition de 1949 (publiée à compte d'auteur) était déjà très riche en informations, mais je pense que ce n'était pas nécessairement le bon moment pour le publier et encore moins de faire de ces mémoires un réquisitoire. 


Voici le bémol du bouquin : sous couvert de relater les faits extraordinaires qu'il a accomplit - et il y en a, le gars était tout simplement trop doué quand il s'agissait de jouer un double jeu, c'est parfois même digne des meilleurs récits d'espionnage. Il a littéralement pensé à tout ; par exemple, le fait qu'il ait lui-même rédigé une lettre de recommandation après avoir subtilisé du papier officiel. Ce simple stratagème lui a permis d'entrer dans bon nombre d'organismes et ainsi de gagner la confiance des collaborateurs -, Lacipiéras en profite surtout pour se donner la position de dénonciateur ; et ça balance à tout va dans son livre ! 

C'est donc évidemment exaltant, on se retrouve face à un homme qui aime son pays et qui est prêt à tout pour le libérer, ce qui est tout à son honneur. Mais, lui-même n'est pas un enfant de coeur et on assiste alors à la mise à mort de français qui collaboraient. Alors oui, je sais, on était en temps de guerre, c'était "chacun sa peau" - surtout quand les français balançaient tous ceux qu'ils pouvaient pour être à l'abri... - mais il n'empêche que pour moi, il n'y a rien d'héroïque dans un assassinat. Cet aspect là de l'homme m'a dérangé, et ce n'est pas tout. 

Comme je l'ai dit plus haut, Lacipiéras ne s'encombre pas de l'anonymat ou autres futilités, non, lui, il est là pour clamer haut et fort que tous ne sont pas Résistants et que, justement, un bon paquet de français se disent résistants alors qu'ils étaient collaborateurs ou même, qu'ils profitent de la situation assez difficile de la France post WWII pour s'enrichir. 

Alors, le truc qu'a trouvé l'auteur, c'est bien évidemment d'infiltrer le PCF dans le Gard, afin de jouer l'agent double une fois encore. Et voilà qu'à partir de là ça balance. Probablement en bon nationaliste qu'il était, Lacipiéras ne comprenait pas les communistes ou peut-être que c'était sa façon de continuer le combat : après les nazis, les bolchéviques. Et d'un côté, bah ça se tient, preuves à l'appui, il nous donne des noms, des faits et on est forcé de reconnaître que le PC n'était pas tout blanc à cette époque. 
Je comprends ce besoin de dénoncer. Enfin, je veux dire quand tu as fait la Résistance, que tu as été infiltré parmi les pires vermines, que tu t'es fait capturé, puis laissé pour mort, il me semble un peu normal que tu sois outré de voir des personnes profiter de cette dite Résistance pour se jeter des fleurs alors que tout ce qu'ils ont fait, ça a été de collaborer. 

Je trouve dommage cette haine acharnée envers le PCF, je trouve que ça gâche un peu les exploits de l'homme. Son livre n'est pas un témoignage, mais une dénonciation - ce n'est d'ailleurs pas pour rien si, en 1949, lorsque Lacipiéras a publié son livre, il a été attaqué pour diffamation, son livre a été interdit, à moins qu'il soit expurgé des propos diffamatoires. Bref, ça va loin. En même temps, il n'avait quand même pas peur de s'attaquer au PC qui était le premier parti en France à cette époque, et puis quand je dis attaquer, c'est qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère : le PC est coupable d'espionnage pour le compte de l'URSS, coupable de vouloir la guerre civile pour prendre le contrôle du pays... 


Comment j'ai infiltré la Gestapo, Jean Lacipiéras, éditions Pierre de Taillac.


Enfin bref,  tout ça pour dire que ces mémoires sont une véritable mine d'informations. Ça permet tout d'abord de se rendre compte que tous les français n'étaient pas des fuyards (j'suis désolée ici pour tous les partisans de de Gaulle, mais comme le dit si bien Lacipiéras : "on ne pouvait combattre  l'envahisseur en fuyant à l'étranger"...) ou des collaborateurs (même si ce livre montre aussi l'opportunisme des français...). Jean Lacipiéras est un exemple de courage et de volonté de vivre pour sauver son pays, pour lui rendre sa liberté. 

J'ai adoré les premiers chapitres parce que ce sont ceux qui relatent les infiltrations, comment il est parvenu à entrer dans tel service, comment il a réussi à tromper les nazis, comment il est parvenu à devenir Gruppenführer, qui n'est autre qu'un grade de l'armée nazie (si vous regardez The Man in the Hight Castle, ça doit vous dire quelque chose). C'était prenant et franchement extraordinaire. 

J'ai moins aimé la suite qui dépeint un homme amer, un homme qui ne supporte plus l'hypocrisie ambiante (ce qui est franchement compréhensible, il suffit de voir le personnage de Radio pour saisir l'injustice de la situation) et qui déçu de la réalité. Il se trouve une nouvelle fois à devoir infiltrer un organisme, mais exclusivement français cette fois. L'envahisseur n'est plus et pourtant, les condamnations continues, on tue sans juger, on exécute sans procès, rien ne tourne rond et c'est également cela que dénonce Jean Lacipiéras : les excès de l'épuration. 
On trouve d'ailleurs dans l'annexe de 1949, la liste des otages exécutés sommairement, ainsi que le nom du capitaine qui a commandé le peloton. L'annexe fournit à la fin de l'ouvrage est très complet, on trouve de nombreuses lettres ou rapports, mais également des comptes rendus d'audiences. 


Je ne m'attendais pas à toutes ces dénonciations, peut-être que c'est la raison pour laquelle ça m'a un peu gêné. Je pensais que tout le récit serait concentré sur l'infiltration, ce qui, au final, est loin d'être le cas. Mais d'un côté ce n'est pas plus mal, ça permet d'avoir un récit français qui ne juge pas seulement la guerre et les allemands, mais tout autant les français et la situation d'après la libération. Ce n'est plus un secret que l'épuration était injuste et arbitraire, et pourtant, c'est toujours choquant de voir à quel point l'homme peut aussi rapidement "retourner sa veste".  

Quoi qu'il en soit j'ai pris énormément de plaisir à lire ces mémoires, à découvrir un destin hors du commun et un avis sur la "France des français" après la libération. Vient s'ajouter à cela un excellent avant propos rédigé par François de Lannoy, historien spécialiste des guerres du XXe. Il remet les événements dans leur contexte, retrace en quelques pages la vie de Jean Lacipiéras pour nous permettre de saisir qui il était, et aborde les divers problèmes auquel l'auteur a été confronté après la publication de son livre. 


Je pense essayer de lire un autre livre des éditions Pierre de Taillac, j'ai envie d'en apprendre plus sur les guerres et puis, c'est surtout le travail historique qui m'intéresse. Je trouve que c'est bien d'avoir ce type de maison d'éditions en France. 


"Ce rôle, je ne l’ai pas tenu sur les tréteaux d’un théâtre, mais dans la vie même, et quelle vie ! Je l’ai joué dans cette marge incertaine où le royaume des ombres et celui de la lumière confondent leurs limites. Je l’ai joué, à toute heure du jour et de la nuit, entre la vie et la mort. Je l’ai joué avec passion, car j’étais guidé par un idéal qui m’élevait au-dessus de moi-même, au-dessus de la médiocrité et de l’horreur."
Jean Lacipiéras, Comment j'ai infiltré la Gestapo




samedi 3 mars 2018

Le Coin des libraires - #87 Juste avant la nuit d'Isabel Ashdown

Après avoir accroché à Richard Montanari avec son roman Confession, voici Juste avant la nuit d'Isabel Ashdown

Déjà, est-ce qu'on parle de la couverture ? J'étais à la base dubitative quand j'ai vu la nouvelle charte graphique des thrillers du Cherche midi, mais en fait, une fois l'objet en main, je ne peux qu'adhérer ! Le style est épuré, le format est un peu plus petit qu'avant - ce qui est top, ça me permet de pouvoir emmener le livre avec moi, puisque désormais, il rentre dans ma pochette spéciale livre haha ! 
Bref, je suis fan et en plus, étant donné que les livres sont dans la même gamme de couleurs, ça fait juste trop bien dans la bibliothèque - alors que demande le peuple ? 

Je trouvais le titre du roman assez intrigant, ça m'a d'ailleurs fait penser à Dennis Lehane et son Ils vivent la nuit & Quand vient la nuit - j'ai vu l'adaptation cinématographique du premier, mais je ne les ai pas lus. Dans tous les cas, j'avais envie de savoir ce qu'il allait bien pouvoir se passer. 
Surtout que ce roman est qualifié de thriller psychologique et même si j'avais bien aimé Sous ses yeux de Ross Armstrong, je voulais un vrai thriller psychologique, une vraie histoire de fou ou du moins, une intrigue qui tient en haleine ! 


Lors des funérailles de leur mère, Jess retrouve sa sœur Emily, perdue de vue depuis près de quinze ans. Elle lui propose de venir habiter chez elle et son mari, James, dans leur maison de l’île de Wight. Le soir du Nouvel An, le couple part faire la fête et laisse Emily avec leur bébé, Daisy. Lorsqu’ils rentrent, au petit matin, la police est là. Daisy a disparu. Le cauchemar commence. Bien vite, le commissaire Jacobs, en charge de l’enquête, relève des incohérences dans les récits des uns et des autres. Entre secrets et mensonges, les relations entre les protagonistes se fissurent peu à peu au cours d’un huis clos éprouvant. Que s’est-il réellement passé cette nuit-là ?


En virtuose du suspense psychologique, Isabel Ashdown joue un jeu pervers avec son lecteur, qui suspecte les personnages les uns après les autres, avant qu’un des nombreux rebondissements vienne relancer la donne. Une révélation !


Je ne connaissais pas du tout Isabel Ashdown auparavant, ce qui est sans doute normal puisque Juste avant la nuit est son premier roman publié en France. Je dois dire que je suis bien contente que le Cherche midi ait décidé de le publier, pour la simple et bonne raison que c'était une vraie bonne lecture ! 

On suit au départ un récit à deux voix, celui de deux soeurs, Emily l'aînée et Jess, la cadette, qui, après de longues années sans s'être vues, se retrouvent lors d'un enterrement. 
Jess finit par habiter chez Emily qui semble avoir une petite vie parfaite, un homme que beaucoup de femmes aimeraient avoir, une belle-fille tout à fait géniale et un nouveau née absolument adorable. Pourtant, dès le début cette image de perfection se fissure - et quand je dis début, j'entends vraiment début. 

L'auteure a gagné énormément de points grâce à ça, on n'a pas de longue mise en place, non, dès le prologue l'ambiance est posée, on sent les problèmes et ça part directement, chose que j'adore dans un thriller. 
Bon après, c'est vrai qu'au début j'ai eu un peu de mal à retenir les personnages, on nous immerge tellement vite que c'est un peu comme si on connaissait déjà la petite famille, ce qui n'est évidemment pas le cas. Et puis personnellement, j'ai trouvé que le prologue nous perd un peu dans sa narration, mais une fois passé une vingtaine de pages, on est dedans et c'est top ! 

Je l'ai commencé assez rapidement après l'avoir reçu, je ne peux pas me l'expliquer, mais j'avais très envie de savoir ce qu'il avait dans le ventre, et ce sentiment d'impatience s'est poursuivi durant toute ma lecture. Dès que je refermais le livre, j'avais envie de le reprendre pour le dévorer et savoir ce qu'il en était, qui était réellement coupable, qui est fautif pour la disparition de la petite Daisy, etc. C'est toujours un tas de questions que l'on se pose et c'est vrai qu'au bout d'une centaine de pages, j'ai eu cette crainte : et si ce livre était une sorte de copie de La fille du train de Paula Hawkins

Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai pensé à ça, peut-être parce que j'ai eu l'impression de retrouver la même atmosphère oppressante, le même type de personnages (une famille d'apparence parfaite, de gros secrets...), mais surtout, parce que j'ai eu énormément peur que ce soit le mari le coupable, ce qui, disons-le, m'aurait clairement gênée. 
Et puis, plus largement, je pense que c'est la plume qui m'a donné ce sentiment, mais qu'on ne s'y trompe pas, Juste avant la nuit est tout à fait différent et si vous voulez savoir, je l'ai trouvé un chouia meilleur que La fille du train - roman que j'ai pourtant bien aimé, même si j'ai été déçue de la tournure des événements. 



Juste avant la nuit d'Isabel Ashdown, éditions Cherche midi.


Juste avant la nuit, c'est la promesse d'un roman rempli de secrets de famille, de non-dits et de fautes non avouées. C'est un mélange de secrets et presque de complots - je pense à Emily qui a la médaille du mépris, ce personnage est tout simplement abject. 
Et pourtant, ce qui est génial c'est que tout ne se résout véritablement qu'à la fin. Durant les trois-quarts du livre on est là à faire des conjectures, à se demander ce qui est arrivé à Daisy évidemment, mais plus encore, à se demander ce qu'il s'est passé entre Emily et Jess. Pour le coup, ce sont vraiment les flashbacks qui m'ont plu, leur jeunesse, les différences entre les deux femmes, entre une Emily populaire, extravertie et une Jess effacée et suiveuse. 

Un autre point fort réside dans l'aspect psychologique, outre les caractères des personnages, leurs actions et les événements qui en résultent, Isabel Ashdown donne l'occasion de découvrir un phénomène qu'on trouve assez peu dans la littérature, du moins exploité à ce point et de cette façon : la syncope vasovagale, ce qui n'est autre qu'une perte de connaissance. Ce petit élément est extrêmement important dans l'intrigue, notamment dans la relation Emily/Jess et j'ai trouvé intéressant de l'utiliser comme l'auteure l'a fait. 

Sans m'étaler plus encore, je conclurais en disant que j'avais envie d'un thriller psychologique et que j'ai été servie. La double intrigue passé/présent fonctionne à merveille et elle permet de soupçonner tour à tour les deux soeurs (et plus largement les quatre membres de la famille) sans être vraiment sûr de quoi que ce soit avant la moitié, puis la fin. 
J'ai trouvé intéressant aussi que le récit soit découpé en deux, on sent bien une progression dans l'intrigue et ça s'enchaîne plus encore jusqu'à la fin. 

Je ne m'attendais pas particulièrement à cette fin, je ne suis ni satisfaite, ni insatisfaite de l'épilogue, je suis simplement fascinée devant le talent de l'auteure. Elle est parvenue à parfaitement ficeler son intrigue et à la rendre intéressante jusqu'au bout. Pour moi, le pari est donc gagné ! 


"Il y a des jours où elle se dit qu’elle est peut-être morte et que le lieu qu’elle prend pour sa maison n’est autre que l’enfer."

Isabel Ashdown, Juste avant la nuit







Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...